À l'aventure

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type : Livre

À L'AVENTURE

Avertissement au lecteur

  1. Du cœur à l'ouvrage. Mode d'emploi et raison de ce nouveau livre 11

  2. La guerre esthétique 16

PROLOGUE AVEC RÉCITANTS

Le tournant machinique de la sensibilité et le privilège de la musique

  1. Privilège de la musique et devenirs technologiques des arts en général 21

  2. L'extrémité musicale contemporaine 23

  3. Trans-formations : le tournant machinique de la sensibilité 26

  4. L'organologie du XX siècle. Écouter de la musique sans savoir en faire 28

  5. Révolutions industrielles - du consommateur à /ama­ teur. Pour une politique de la vie sensible des âmes et des corps 32

  6. L'invasion industrielle de la musique 34

  7. L'imagerie musicale et le nouveau chantier de la sensibilité 35

  8. Épilogue de ce prologue 39

l. PARTICIPER POUR SENTIR ou l'art de passer à l'acte

  1. Les hypomnénata machiniques comme nouvelle expérience de la répétition 48

  2. La misère symbolique comme perte de participation pensée avec Aristote 50

  3. La misère symbolique comme perte de participation pensée avec Leroi-Gourhan 53

  4. Les « horizons de la célébrité »

  5. Le double jeu de l'extériorisation comme technicité 57 originaire du sensible et la noèse comme technèse 61

  6. Apprendre à sentir. L'exclamation du défaut 68

  7. L'individuation psychosociale comme circuit noétique et la généalogie du sensible 71

  8. Énergie libidinale et énergie spirituelle 79

Il. APPAREILLER À partir de Warhol et de Beuys

  1. Retour à la question contemporaine des hypomnénata

  2. L'aventure des consistances et le dégoût de l'esprit pour Lui-même

  3. La musique du défaut dans le défaut de Musique

  4. Appareiller. La généalogie organologique comme suite de réinstanciations des rôles esthétiques, et l'organologie générale comme théorie et pratique des luttes pour l'organisation du sensible

  5. Modernité et contemporanéité comme époques de l'instanciation des rôles. Warhol et Beuys

  6. Beuys, l'empreinte et la cire

  7. Beuys passeur du défaut de savoir

  8. Beuys, Épiméthée, Prométhée, et l'avenir de l'art

  9. Beuys, l'objet de la lutte et l'impuissance de la vie intellectuelle. Solides, matières, concepts

III. Nous TOUS L'individuation comme transformation et la trans-formation comme sculpture sociale

  1. Beuys et nous tous. L'élargissement du concept d'art et l'amour de la tâche

  2. Dessiner. La tâche du prolétaire, la lutte contre la bestialité et la responsabilité des travailleurs de l'esprit

  3. Le temps organologique et la fidélité du regard

  4. Le conflit des répétitions

  5. L'impuissance artistique, la verdurinisation du monde et la répétition machinique

Usages et pratiques des appareils hallucinatoires dans le negotium du peuple comme mécréance esthétique : la question de la mort de l'art

  1. Art et croyance

  2. Beuys et la généalogie du sensible comme sédimentations rétentionnelles et protentionnelles. Fonctionnement de la fiction

  3. L'élargissement du domaine de la langue et les deux régimes de l'hallucination

  4. Prendre soin de la peur. Remarque sur le sublime

  5. L'écriture de soi comme sculpture sociale (ou la sculpture sociale comme « gouvernement de soi et des autres »)

IV. LE REFOULEMENT DE FREUD Où le vif se saisit du mort et réciproquement

  1. Saisies et dessaisissements. La lutte pour une nouvelle organisation du sensible doit être analysée du point de vue rétentionnel et protentionnel. L'éthos du désir même

  2. L'organologie générale comme économie constituée par d'incessantes défonctionnalisations et refonctionnalisations organologiques, et l'ultramodernité

  3. La noèse du sensible comme prothesthésie et le « refoulement organique » - ou comment le pied se mit à danser

  4. L'origine de la catastrophè du sensible comme défaut sensationnel d'origine et le sublime au sens kantien

  5. La « tendance esthétique » : dans l'animalité

  6. Cerveau, cœur, foie et autres organes .

  7. Métaphysique et neurophysiologie du cerveau. La libido comme rapport du mort et du vif

  8. Place du cerveau dans la généalogie comme transformation

  9. L'échec de Freud à penser l'organologique et la suite des défonctionnalisations et refonctionnalisations du cerveau et des organisations sociales comme conditions de constitution des dispositifs rétentionnels

  10. La modification de l'organisation des rétentions secondaires stéréotypiques par les rétentions secondaires traumatypiques dans le « système perception-conscience » (abrégé P.-C) de Freud

  11. Compréhension, surpréhension et signifiance

  12. « Ce qui suit doit être considéré comme de la pure spéculation [...] un essai de poursuivre jusqu'au bout une idée. » Évanescence de la conscience et opposition de l'intérieur et de l'extérieur chez Freud

  13. L'abréaction comme exclamation, le mur de fer qu'il faut limer, et l'individualisme artistique

V. LA CONJONCTION QUI DISJONCTE

Mais où est donc Ornicar ?

  1. Qu'est-ce qu'un artiste ^;^

  2. De la dynamite.

  3. L'apparition du temps artistique dans le temps industriel comme hyperdiachronisation

  4. Ciselures

  5. Le temps de l'individuation artistique est ma joie. 263

  6. Scènes267

  7. Phantasia, mékhanè, teckhnè: les règles du jeu et moi qui n'existe pas 272

  8. L'occultation du théâtre et la préparation de la lutte. 278

Adaptation

id : 20211124001001
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type : Vocabulaire

Adaptation est un terme qui dérive d’« ad-aptare » qui signifie rendre apte à ou ajuster à ; joindre ou conformer.

C’est une idée banalement darwinienne que d’affirmer que plus un vivant est adapté moins il est adaptable, moins il peut adopter un nouveau milieu. Quant à l’humain, il ne s’adapte pas tant à son milieu, qu’il adapte son milieu, qui, de ce fait, n’est plus seulement milieu de besoin mais milieu de désir.

Addiction

id : 20211124001002
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type : Vocabulaire

« Addiction » provient du verbe latin addicere, qui est un composé du latin dicere (dire), et qui signifie littéralement « dire pour », « être favorable à », « s’adonner ou se vouer à » quelque chose. L’adjectif addictus désigne plus particulièrement l’esclave pour dette.

Cette étymologie indique déjà le parcours qui peut être celui de toute « addiction » comprise en un sens étendu : depuis la faveur, le culte, l’attachement pour un objet, jusqu’à la dépendance et l’aliénation à son égard. Ainsi comprise, l’addiction n’est pas nécessairement pathologique, et l’on peut soutenir que l’existence humaine a quelque chose d’addictif, dans la mesure où elle se déploie comme désir, investissements et amours successifs.

Mais le terme d’addiction désigne aujourd’hui une forme pathologique du désir, qui marque la régression de celui-ci au stade du besoin et de la compulsion mono-maniaque : en ce sens, l’addict, avec ou sans « produit », est celui dont l’existence est comme réduite et simplifiée à sa plus simple expression, à ce que W. S. Burroughs appelait « l’algèbre du besoin ». Alors que le désir est ce qui en principe se distingue du besoin ou de la pulsion, ce qui la sublime et l’élève, la conduite addictive est au contraire le signe d’un affaiblissement des capacités sublimatoires et symboliques du sujet, c’est-à-dire de sa désubjectivation.

Or, la société consumériste qui est la nôtre, par le culte fétichiste de la marchandise et par la sollicitation permanente des pulsions d’achat qu’elle entretient, est structurellement addictogène : sous l’impulsion d’Edward Bernays et de la science du marketing, elle a fait du comportement compulsif ou toxicomaniaque du consommateur son modèle. Comme le remarquait W. S. Burroughs, qui écrit dans Le festin nu que « la came est la marchandise par excellence », le dealer de drogue réalise en quelque sorte l’idéal du marketing pensé par Bernays : que le client réclame de lui-même le produit et y voue son existence. L’hyper-consommation engage ainsi la population toute entière sur la voie des comportements addictifs, dans la mesure où elle cherche à capter systématiquement l’énergie libidinale des consommateurs, dès leur plus jeune âge, pour la détourner vers les objets de consommation, engendrant ainsi des phénomènes d’accoutumance et de dépendance, mais aussi de dégoût. L’hyper-consommation, dont les formes les plus graves sont maintenant prises en charge par les centres d’addictologie, entre ainsi tendanciellement dans le cercle vicieux du comportement toxicomaniaque, de plus en plus insensible au monde et à lui-même, et tentant de compenser cette désaffection par un surcroît de consommation frénétique qui aggrave sa déshérence.

Ce faisant, le capitalisme consumériste tend à inciter à l’addiction, épuiser l’énergie libidinale, et interdire la sublimation des pulsions. Ce ne sont pas seulement les drogués qui souffrent de l’addiction, mais l’homme, ses milieux psycho-sociaux et la planète elle-même qui sont peu à peu ruinés par un mode de vie addictif et toxique.

Algorithme (Programme)

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type : Vocabulaire

L’algorithme est une suite finie de règles formelles que l’on applique à un nombre fini de données, afin de résoudre des classes de problèmes semblables, c’est une série d’opérations élémentaires retranscrites par un code. L’algorithme, qui est une opération itérative et répétable, participe de ce que nous nommons un processus de grammatisation.

Avec ce premier organe à calculer qu’est la main, l’homme encocha des bois, puis entassa de cailloux (calculi), puis constitua abaques et bouliers. Le fonctionnement d’un boulier ne nous aide-t-il pas déjà à comprendre qu’une opération de calcul peut se traduire en gestes séquentiels opérant selon des instructions binaires (rapprocher la boule de la barre centrale ou ne pas y toucher) ? Ces gestes, de notre point de vue, sont des grammes. Lorsqu’un enfant pose sur papier une multiplication qu’il ne pourrait résoudre autrement, il montre comment stylo, cahier, main et cerveau participent d’un même algorithme. Mais, contrairement à ce que l’on croit, l’algorithme ne concerne pas seulement les procédés de calcul, au sens étroit du mot, puisque, pour prendre un exemple très simple, chercher un mot dans le dictionnaire relève déjà d’un algorithme.

Devenir algorithmique. La principale caractéristique d’un ordinateur est sa programmabilité, et l’usage tend aujourd’hui à confondre « algorithme » et « programme ». Pourtant, la programmation informatique n’épuise pas la question de l’algorithme, en ce sens que l’on ne programme que ce qui relève déjà du champ de l’algorithme c'est à dire ce qui a déjà été engrammé, discrétisé, formalisé, et qui autorise ainsi sa manipulabilité. À ce titre, ce qui relève de l’algorithme est plus vaste que la définition mathématico-informatique qui lui est de nos jours systématiquement accolée.

Le devenir algorithmique de notre monde, de notre vie, participe de ce que nous nommons le processus de grammatisation. Le devenir algorithmique s’accélère avec les technologies numériques, mais il préexistait. Ainsi le devenir algorithmique s’inscrit déjà, par exemple, dans ces conversations commerciales que l’on nous impose au téléphone avec les télévendeurs qui déclenchent un script prédécoupé en unité de base et exécutée selon un ordre donné. Taylor a conquis le langage ! Et c’est parce que cette conquête a déjà eu lieu qu’il est possible à Google ou à Facebook d’exister. Le devenir algorithmique ne concerne pas seulement le langage informatique mais la langue elle-même, pas seulement les machines mais les humains

« Là où le taylorisme misait sur l’entière subordination des travailleurs à une rationalité qui leur restait extérieure, il s’agit maintenant de tabler sur leur programmation, c’est-à-dire d’étendre aux esprits des disciplines jusqu’alors réservées aux corps en usant massivement de psychotechniques ».

Amateur

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type : Vocabulaire

« Amateur » est le nom donné à celui qui aime des œuvres ou qui se réalise à travers elles. Il y a des amateurs de sciences et de techniques comme on parle d’amateurs d’art. La figure de l’amateur prolonge la figure du goût telle qu’elle se donnait à penser aux Lumières, comme intelligence du sensible ou médiation de l’immédiat, comme singularité d’un sentiment pourtant éduqué. Elle accompagne donc la question de la formation d’un public critique (irréductible à de l’« audience » - au sens de l’audimat).

Lorsque nous parlons de l’« économie de l’amateur », nous ne désignons pas une réalité mais un idéal-type, au sens weberien. La figure de l’amateurs’oppose à la figure du consommateur, car l’amateur goûte le donné qu’il perçoit et par là le constitue, il participe à ce qu’il désire et par là s’individue. Aimer, c’est contribuer à l’être et/ou au devenir de ce que l’on aime.

Le moderne semble d’autant plus capable de goûter quoi que ce soit, qu’il est moins capable d’attention[1].

Aimer quoi que ce soit c’est ne rien aimer du tout, et ne rien aimer du tout c’est n’être plus capable d’attention : l’amateur ne peut plus aimer là où la consommation a pour but de tuer l’attention à ce qui est consommé.

Chacun sait qu’aimer n’est pas quelque chose qui est de l’ordre de la possession ou de la consommation, mais de l’ordre de l’implication, de l’investissement et de la circulation d’une énergie libidinale. Aimer relève en ce sens d’une contribution comme co-individuation – et l’on n’aime pas que des êtres, mais aussi des milieux : on aime – ou n’aime pas – son travail par exemple.

La dissociation du salarié et de son milieu de production fut à la base de l’organisation industrielle du travail ; corrélativement la dissociation du consommateur et de son milieu de loisir fut à la base de l’organisation industrielle du spectacle – de la « société du spectacle ». L’amateur résiste à cette double dissociation, et cela parce que le temps de l’amateur est ce qui résiste à la dissociation du temps de vie en temps de travail (ou de production) et temps de loisir (ou de consommation).

Au contraire de l’économie consumériste qui épuise les désirs des consommateurs, l’économie de la contribution que rendent possibles les technologies culturelles et cognitives est psychiquement et collectivement individuée par des amateurs. Tout ce que l’on appelle les « réseaux sociaux » ne constitue pas – loin s’en faut – des réseaux d’amateurs : il faudrait pour cela que soit établie en principe la possibilité de critiquer la structure du réseau, d’intervenir sur elle, de contribuer à l’organisation des algorithmes de traitement et d’exploitation des métadonnées qu’ils engendrent, tout cela précisément au service d’une individuation collective et d’une transindividuation critiques. Un tel objectif de socialisation critique des réseaux dits sociaux (issus du social engineering) devrait être au cœur d’une politique publique d’éducation au service d’une économie industrielle de la contribution – c’est à dire aussi bien du soin, ou du « care ».

La figure de l’amateur est l’idéal-type de l’économie de la contribution parce qu’il est celui qui construit lui-même une économie libidinale durable et n’attend pas que la société industrielle le fasse à sa place. A cet égard, le hacker est une figure subversive par sa capacité à s’approprier l’offre technologique et industrielle sans se conformer aux prescriptions du marketing voulues par les plans de développement de l’industrie. Les hackers ne sont ni des consommateurs, ni des clients, ni des usagers : ce sont des praticiens, c’est à dire des amateurs du monde à l’époque de sa numérisation. Le temps de travail hors emploi (salarié), manifesté par les hackers ou par les intermittents du spectacle[2], est exemplaire de ce travail de l’amateur.


[1]Paul Valery, Tel Quel, « Autres Rhumbs », Gallimard, Folio, p. 337.

[2]C’est au nom de cette même idée qu’André Gorz mobilise la première figure et Maurizio Lazzarato la seconde.

Anamnèse Hypomnèse (Mémoire)

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type : Vocabulaire

Anamnèse. Issu du grec ána (remontée) et mnémè (souvenir), ce terme signifie réminiscence, que l’on traduit aussi par ressouvenir. On distingue deux dimensions dans la mémoire: l’enregistrement que les Grecs appelaient « mnesis » et les Latins « memoria », et la _remémoration_que les Grecs appelaient « anamnesis » et les Latins « reminiscientia ». Enregistrer ne suffit pas, il faut ensuite faire remonter ou revenir ce qui a été enregistré.

Hypomnèse. Ce terme désigne la mémoire de rappel et toutes les techniques de mémoire : les aide-mémoires, exercices et autres « arts de la mémoire », aussi bien que les enregistrements matériels de toutes sortes qu’on appelle les hypomnémata.

Cette opposition parcourt l’histoire de la philosophie (de Platon à Derrida, etc.) et engage le statut de l’écriture – dont le numérique est le dernier stade. Contrairement à Platon, nous distinguons, mais nous n’opposons pasces deux mémoires. Il n’y a pas d’anamnèse sans hypomnèse, la condition de toute mémoire vive (anamnèse) est qu’elle puisse se projeter hors d’elle-même (dans des hypomnémata) pour dépasser sa finitude, se nourrir et se transmettre.

L’enregistrement seul est une mémoire morte, et la remémoration, requise par la lecture par exemple, est typiquement une activité qui ne peut être entièrement déléguée et agencée sous une forme technique. A l’heure où la mémoire (prothétisée) est définitivement en train de changer de support et de milieu, Ars Industralis réfléchit aux conditions politiques, économiques et technologiques d’une réarticulation de ces deux faces de la mémoire.

Où se loge la mémoire ? Tout l’enjeu est de comprendre que l’on ne peut plus répondre « dans la tête », et d’en tirer les conséquences philosophiques, économiques et politiques. À la fin du XVIe siècle, dans son Iconologia, consacrée aux images des « choses qui sont en l’homme même et inséparables d’avec lui », Cesare Ripa donne à Mémoire un double visage, avec une plume en la main droite et un livre en la gauche. Ainsi, la mémoire (individuelle et sociale) n’est pas seulement dans les cerveaux mais entre eux, dans les artefacts. La mémoire n’est pas interne : elle est essentiellement un processus d’extériorisation. Ma mémoire n’est pas ma mémoire. Comme l’écrivait Paul Valery :

« Les pensées que l’on garde pour soi, se perdent ; l’oubli fait voir que soi, que moi, ce n’est personne »[1] ; « L’homme est animal enfermé – à l’extérieur de sa cage. Il s’agite hors de soi »[2].

La mémoire, « ce pouvoir des choses absentes », aussi bien que « l’avenir du passé », enferme l’homme au dehors – dans ses hypomnémata.


[1]Paul Valéry, Tel Quel, « Analecta », CXIX, Gallimard, Folio, p. 443

[2]Paul Valéry, Tel Quel, « Moralités », Gallimard, Folio,p. 92.

Attention, Retention, Protention

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type : Vocabulaire

L’attention, la rétention et la protention forment la vie de la conscience. Si « l’ordre chronologique » est celui de la rétention du passé, de l’attention au présent, et de la protention à venir, l’ordre logique et phénoménologique (c’est à dire tel qu’il se présente à la conscience) impose de commencer par le milieu : par l’attention, qui ouvre l’une à l’autre rétention et protention.

Attention. L’attention est par excellence la modalité de la conscience : « être conscient » c’est être attentif. L’attention est ce qui constitue les objets de la conscience, même si toute conscience n’est pas attentive – toute attention étant évidemment consciente. La vie de l’attention se situe entre les rétentions (la mémoire) et les protentions (le projet, l'attente, le désir) qu’elle lie en étant ouverte à ce qui advient dans le « maintenant » depuis ce qu’elle retient de ce qui est advenu (rétention) et en attente de ce qui est en train d’advenir (protention).

L’attention n’est pas un réflexe ; autrement dit, l’attention est quelque chose qui se forme et qui forme. La formation de l’attention est toujours à la fois psychique et sociale, car l’attention est à la fois attention psychologique, perceptive ou cognitive (« être attentif », vigilant, concentré) et attention sociale, pratique ou éthique (« faire attention », prendre soin) : l’attention qui est la faculté psychique de se concentrer sur un objet, de se donner un objet, est aussi la faculté sociale de prendre soin de cet objet.

Il y a des techniques de captation de l’attention dont le but est de former l’attention (ainsi du livre), d’autres dont le but est de la capturer et de la canaliser – ce qui conduit à la dé-former, l’épuiser et la détruire. L’attention fait aujourd’hui l’objet d’une exploitation industrielle où la « matière première » valorisée – et la ressource rare – est devenue la capacité d’attention des consommateurs[1]. Toujours plus, et par tous les moyens, l’industrie publicitaire tente de capter notre attention, et personne n’échappe à cette saturation cognitive et affective. Il est désormais prouvé que l’usage massif des médias de masse dès le plus jeune âge conduit à un « attention deficit discorder »[2]. Le cerveau nourri au zapping perd l’attention un peu comme celui qui mange devant la télévision perd le goût de ce qu’il mange – et parfois perd l’appétit, parfois devient boulimique.

Rétention. Les rétentions sont ce qui est retenu ou recueilli par la conscience. Ce terme est emprunté à Husserl ; mais les rétentions tertiaires sont propres à la philosophie de Bernard Stiegler.

Rétentions primaires. Elles sont ce qui arrive au temps de la conscience, ce que la conscience retient dans le « maintenant qui passe », dans le flux perceptif qui soutient la conscience. Par exemple, la rétention primaire est la présence de la note tout juste passée dans une mélodie, qui a pour conséquence que le « mi » actuel n’est pas le même selon qu’il est précédé d’un « ré » ou d’un « fa ».

Rétentions secondaires. Les rétentions secondaires sont d’anciennes rétentions primaires (retenues par notre conscience) devenues des souvenirs. Elles appartiennent à la mémoire imaginative – je « vais chercher » mes souvenirs –, et non plus à la rétention-perception, sur laquelle elles ont cependant un impact. Les rétentions primaires sont en effet des sélections, car le flux de conscience que vous êtes ne peut pas tout retenir : ce que vous retenez est ce que vous êtes, mais ce que vous retenez dépend ce que vous avez déjà retenu.

Rétentions tertiaires. Elles sont le propre de l’espèce humaine. Ce sont les sédimentations hypomnésiques qui se sont accumulées au cours des générations en se spatialisant et en se matérialisant dans un monde d’artefacts – « supports de mémoire », c’est-à-dire hypomnémata –, et qui permettent de ce fait un processus d’individuation psycho-socio-technique. Les rétentions tertiaires surdéterminent les rétentions secondaires qui surdéterminent les rétentions primaires

Protention. La protention est le temps du désir ou le temps de la question, qui suppose le temps de l’attention et le temps des rétentions (tertiaires). En effet, d’une part il n’est pas de protention soutenable sans attention aux « consistances », d’autre part toute possibilité de _pro_tention est _pré_cédée par une projection prothétique. Autrement dit, c’est parce que l’homme est défini par son pharmakon technique que l’humain fait question, ou mieux que l’humain se fait question et se trouve mis en question.

La protention est le désir (et l’attente) de l’à venir, elle est ce qui dans le devenir constitue la possibilité de l’avenir – étant entendu que le devenir peut n’engager aucun avenir. Pour que l’à venir prenne consistance, il faut au minimum échapper au court-termisme qui gouverne notre monde. C’est là tout le paradoxe : la finance, qui est originellement le temps du crédit, soit donc l’organisation de protentions, accompagne aujourd’hui une économie consumériste qui détruit la possibilité même de se projeter dans l’à venir.


[1]cf. Jeremy Rifkin, L’Age de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme, La Découverte, 2005.

[2]cf. Katherine Hayles, Hyper and Deep Attention : the Generational Divide in Cognitive modes, 2007. Elle y montre que les cerveaux soumis aux riche media perdent leur deep attention au profit d’une hyper attention. Bernard Stiegler critique cette dernière expression en insistant sur le fait qu’il s’agit plutôt d’alerte, de vigilance— ou encore du « zapping » — que de réflexion ou d’attention. L’hyper-stimulation de l’attention mène en réalité à un déficit attentionnel.

Audience - Public

id : 20211124001010
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type : Vocabulaire

Chacun sait très bien qu’un public capable de faire la moitié du Louvre en deux heures n’est plus un public – il est à l’art ce que le sondage d’opinion est à la politique.

Un public adopte, s’approprie l’œuvre (qui l’« exapproprie » en retour – c’est à dire le trans-forme), se nourrit de sa critique, tandis que l’audience adapte la disponibilité de nos cerveaux, use de notre attention pour la consommation, et nous dégrade en profils, tranches, cibles et masses. Il n’est pas de public qui ne soit critique, et il n’est pas de critique sans attention profonde, celle précisément qui est liquidée par les stratégies d’audimat cherchant à augmenter la disponibilité des cerveaux pour la publicité. C’est au regard de l’échec du public télévisuel (il faudrait dire de l’audience), que nous sommes de plus en plus nombreux à réfléchir à la question du public numérique.

Bêtise

id : 20211124112403
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type : Vocabulaire

[[20211124112454]]

La bêtise n’est pas l’ignorance : elle est ce qui nous rend honteux d’être homme. Ce qui semble nouveau n’est ni la bêtise, ni le thème de la bêtise, mais la bêtise systémique en tant qu’elle est le fruit d’un psychopouvoir (concrétisé notamment comme télécratie). La bêtise administrée entraîne avec elle de grosses bêtises métaphysiques. L’une d’elle est persistante, celle qui consiste à croire que la technique est un moyen au service d’une fin qui ne serait pas technique elle-même – aucune technique n’est un moyen, elles sont notre milieu.

Capitalisme

id : 20211124001013
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type : Vocabulaire

Marx inventa le mot et théorisa la chose. Mais ne faisons pas comme si on s’entendait sur ce terme – et sur ce « on » que le capitalisme produit. Réfléchir au capitalisme, c’est d’abord réfléchir à son histoire. Nous proposons, à la discussion, trois phases :

_1) Capitalisme marchand. On a pu dire que le capitalisme commence avec l’avènement des cités marchandes médiévales (Venise, Gènes, Anvers, etc.) ou de l’économie-monde des réseaux de navigation ; ou bien avec la Réforme protestante, l’éthique du travail et de l’entrepreneur ou Franklin résumant : « Remember, that time is money…that credit is money…[1] » ; ou bien avec l’histoire qui mène des Inclosure Acts aux Poor Laws Amendment Bill (1834) ; ou bien encore avec l’institution d’un droit de propriété sur les innovations, etc. L’origine du capitalisme est donc historiquement très problématique et demande par exemple de questionner ce que pourrait une activité marchande sans marché,_ ou bien une économie de marché sans « société de marché »[2]

_2) Capitalisme productiviste_. La seconde phase du capitalisme est l’industrialisation. Cette phase aussi est historiquement problématique, cependant il semble admis que l’industrialisation est un processus qui se joue en Angleterre à la fin du XVIIIe, et qui s’étend ensuite. C’est cette seconde phase qui constitue le capitalisme tel que Marx le décrit. Le capitalisme est un système industriel de production dans lequel le capital et le salariat sont les deux termes d’un seul et même rapport marchand, dans lequel le travailleur est dépossédé des moyens de production et où son temps n’est plus qu’une marchandise. Nous nommons productiviste ce capitalisme dans lequel la figure du consommateur n’est pas encore centrale : le prolétaire du XIXe siècle n’est pas encore un consommateur, puisque son salaire ne lui permet que de renouveler sa force de travail.

_3)Capitalisme consumériste_. Au début du XXe siècle, la consommation n’est plus réservée à la bourgeoisie : le prolétaire doit devenir un consommateur pour absorber les marchandises issues des énormes gains de productivité induits par le taylorisme et éviter la menace de la surproduction industrielle (Henry Ford) : il doit transformer sa force de travail productrice de marchandises en pouvoir d’achat. Le capitalisme productiviste, constamment menacé de surproduction, devient ainsi consumériste : la première préoccupation des industriels n’est plus de fabriquer mais de vendre. Ce modèle consumériste culmine après la Seconde Guerre mondiale (Trente Glorieuses) : « la voiture » fait alors système avec « la télé » (les marchés de masse supposent des médias de masse) qui fait système avec « le supermarché ».

[1] Benjamin Franklin, Advice to a young tradesman, 1748 [2] Selon la distinction introduite par Karl Polanyi.

Constituer l'Europe

id : 20211125161729
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Constituer l'Europe

1. Un monde sans vergogne

Table

Préface. Constitution et individuation 11

I. La vergogne, condition de toute constitution 22

II. La plaie du populisme industriel 43

III. L'objet de l'amour et l'amour des objets dans la société hyperindustrielle 59

IV. Faire la révolution 93

Construction et Destruction

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Introduction. CONSTRUCTION ET DESTRUCTION .11

I. PERFORMANCE, PRODUCTION, DÉMOTIVATION .29

  1. Motivation et performance .29

  2. La postmodernité comme démotivation, la contre­productivité des modèles actuels de production, et le projet industriel européen.32

  3. Beruf, jeu, raison, motif .38

  4. La performance en tant que quantification des qualités conçues comme avantages concurrentiels .49

  5. Performance et performativité dans les sciences du langage, la

    psychologie et la philosophie .53

  6. Le Minotaure et la performance comme bestialisation - retour vers

    le pire et le meilleur.56

  7. *Genèse de la performance conçue comme adaptation.*59

  8. L'adaptation est entropique et conduit à la guerre et aux

    conflits sociaux .63

9. Ratio raison et déraison. 6 6

Il. MOTIVATION, SINGUIARITÉ ET INDIVIDUATION .69

1O. La question de l'ajustement entre système technique et systèmes sociaux comme origine du discours erroné de l'adaptation. 69

  1. Pour une nouvelle conception de la performance : inventer pour transformer le devenir en avenir 71

  2. Singularité et universalité dans les processus d'individuation psychique et collective - les principes fondateurs d'une future Constitution européenne (proposition du premier principe constitutionnel pour un processus d'individuation psychique et collective de l'Europe) 73

  3. Les critères de performance de la constitution européenne 84

  4. L'économie extra-ordinaire du symbolique 86

  5. L'affirmation des singularités dans les processus d'individuation 90

  6. Le 16. Le devenir-ordinaire de toutes choses 93

17. Les profils de compétences et d'utilisateurs, la « société permissive », l'esprit d'entreprise et la caducité du modèle cybernétique 98

18. Démotivation dans les entreprises et écologie de l'esprit 100

19. Du consommateur à l'amateur. Inventer de nouveaux modèles industriels, une nouvelle puissance publique, et des entreprises de civilisation 105

III. PUISSANCE PUBLIQUE ET INDIVIDUATION. 109

Postface. Les NOUVEAUX MISÉRABLES 145

Consumérisme

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type : Vocabulaire

Consummare dont provient le verbe consommer et qui signifie initialement accomplir, mener à son terme, devient avec le christianisme un synonyme de perdre et de détruire. C’est à partir de 1580 que le verbe français « consommer » signifie faire disparaître par l’usage denrées et énergie. On parle de « consommateur » à partir de 1745, et la consommation désigne alors l’usage que l’on fait d’une chose pour satisfaire des besoins. Consommation devient le terme central de l’économie au début du XXe siècle. Et c’est en 1972 que le mot consumerism apparaît aux Etats-Unis – annonçant la « révolution conservatrice » menée conjointement par Margaret Thatcher et Ronald Reagan dans la décennie suivante.

Consommer n’est bien entendu pas un mal : la tragédie est de consommer sans exister – c’est à dire en perdant de vue ce qui consiste.

Le consumérisme est ce qui résulte d’une innovation permanente (pensée depuis Joseph Schumpeter comme « destruction créatrice ») qui a pour conséquence une jetabilité chronique et généralisée. Pour consommer sans cesse du nouveau, il faut jeter sans cesse de l’ancien. La nouveauté est ainsi systématiquement valorisée aux dépens de la durabilité (ce que Hannah Arendt soulignait déjà dans La condition de l’homme moderne).

Le marketing organise_l’attachement à une marque_ en même temps que le détachement des objets. La jetabilité généralisée – telle qu’elle affecte les choses aussi bien que les hommes, ce qu’on nomme alors « flexibilité »  –, installe une infidélité systémique, précisément dans la mesure où ce qui est consommé ne peut être adopté, étant d’emblée jetable.

Dataware et Métadonnées

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type : Vocabulaire

_Le mot**« data »**_signifie « données » et le mot « ware » ; que l'on retrouve dans « hardware » et « software », vient du vieil écossais et signifie « objet de soin ».

L'histoire de l'informatique et des technologies de l'information a successivement porté son attention sur les différentes couches de son architecture que sont le hardware (le matériel), le software (le logiciel) et le netware (le réseau). Après le règne du hardware (dominé par IBM) et du software (dominé par Microsoft) ce sont les données des utilisateurs qui font l’objet de tous les soins des entreprises du web 2.0, ce pourquoi nous parlons de dataware (dominé par Google). Le dataware désigne donc une attention toute particulière portée aux données, à leur collecte et leur agrégation à partir desquelles des services sont proposés.

Hardware,Software, Netware, Dataware sont les quatre vagues d’architecture qui ont marqué la conception des systèmes d’information.

1. La première vague d’architecture est celle du Hardware, dominée par l’entreprise IBM (International Business Machines) et ses Mainframes, gros serveurs centralisés auquel on accède par des terminaux dit "passifs" car ils n'ont aucune autonomie en matière de puissance de calcul et de stockage, et aucune autre finalité que de pouvoir se connecter au système central.

2. La deuxième vague est celle du Software, dominée par l’entreprise Microsoft et son architecture « client lourd ». « Lourd » signifie ici que les terminaux disposent d'une puissance de calcul et de stockage qui va permettre, entre autres, l’expansion de la bureautique et plus généralement des logiciels que l'on peut installer et utiliser sur un ordinateur, même sans accès à un serveur. La démocratisation du PC (Personal Computer) verra l’avènement, et le quasi-monopole, du célèbre système d'exploitation Windows de Microsoft.

3. La troisième vague d'architecture est celle du Netware, dominée par l’entreprise Sun (qui est l'acronyme de Stanford University Network). Ici on parle d'architecture trois-tiers car on distingue la couche où sont stockées les données, celle où les règles fonctionnelles et métiers sont effectuées par les algorithmes et, finalement, la couche dite de présentation – celle que voit l’utilisateur sur son écran. Dans cette architecture, le fait que les données soient distribuées et accessibles via un réseau est prise en compte. On accède aux applications avec un client léger – et ce client léger n'est autre qu'un navigateur web.

4. Enfin, nous sommes à présent rentrés dans une quatrième vague d'architecture que l'on nomme dataware. Cette architecture est celle du web actuel (dans la mouvance de ce qu'on appelle le web 2.0), et elle est dominée par l’entreprise Google. Ainsi, les nouvelles « usines » (entièrement automatisées…et dont la matière première est fournie par les contributeurs des réseaux) du XXIe siècle sont des data centers qui fournissent de la puissance de calcul et de la capacité de stockage (ce qui ne peut se faire sans une colossale dépense d’énergie et la pollution qui en découle).

_Dataware_désigne une tendance majeure où les données et la manière d'y accéder et de les manipuler deviennent un enjeu technologique, industriel et économique. Il s'agit par exemple, pour les services de réseaux sociaux, de capturer et de « tracer » le plus de données sur les utilisateurs du service. Et il s’agit, pour les moteurs de recherche, de parcourir et d'indexer le plus de documents sur le web.

Les métadonnées, données sur les données, sont ce qui permet de mettre en relation des données. Les métadonnées existent depuis la Mésopotamie, où l’on a trouvé des tablettes d’argiles qui décrivaient des stocks de tablettes et constituaient en cela des catalogues. Il n’y avait jamais eu de métadonnées qui n’aient pas été produites par des démarches de contrôle top down, hiérarchiques, descendantes et centralisées (contrôle impérial en Mésopotamie, etc.). Or, depuis 1992, depuis l’apparition du world wide web, la production de métadonnées – c’est-à-dire des éléments de base de la synchronisation – est devenue un processus bottom up, réticulaire, ascendant et décentralisé. A vrai dire, c’est cette opposition elle-même qu’il faut remettre en question.

De La Misere Symbolique

id : 20211125162219
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type : Livre

Avant-propos.13

De la misère symbolique, du contrôle des affects et de la honte que

cela constitue. 17

Esthétique et politique, 17

Le symbolique à l'âge de la consommation : une grande misère mondiale, 27

Le contrôle de la guerre et les affects 34

Comme si nous faisions défaut ou comment trouver des armes à partir de On connaît la chanson, d'Alain Resnais. 41

Mal-être et respect 41

Esthétique et insécurité 43

Rappel sur les objets temporels industriels 46

Au cinéma 49

La chanson 52

Nous 56

L'air d'une époque -- et la famille 59

Clichés 61

Grammaire et sampling 63

Ventriloques, sinon singes et perroquets 66

Tout contre nous 68

Croyances, projections, mécréances 71

Créer le dégoût 73

Aimer Paris 76

Epiphylogenèse et rétentions tertiaires 78

Miracle et inquiétude 80

Camille et l'histoire 81

Apparences, mensonges, fictions : J'm'en fous pas mal

- Quoi ?

- Qui ? donc ? devrais-tu demander ? Ainsi parla Dionysos » 84

Bien mal 88

La vue bouchée 93

Allégorie de la fourmilière. La perte d'individuation à l'âge hyperindustriel, 95

Avertissement 95

Défiguration de l'individu et perte d'individuation à l'âge hyperindustriel 97

Individu et machine 101

Individuation et dispositif rétentionnels : les trois brins de l'individuation 105

L'individuation comme sélection 107

Petite histoire très sommaire de l'individuation occidentale 1. La grammatisation 111

Petite histoire très sommaire de l'individuation occidentale 2. Le déplacement de la capacité d'individuation 116

Mal-être et passages à l'acte : le consommateur comme individu défiguré par le on 123

De la perte d'individuation au devenir-jetable 128

Attention, rétention et protentions dans le réseau de la vampirisation, 130

La standardisation des modes d'accès au milieu Pré-individuel et la particularisation des singularités, 135

Le stade hypermoderne de la grammatisation comme généralisation du calcul,141.

Les phéromones numériques, 146

Du cognitif au réactif 149

Ecrasante majorité, infime minorité, 157

« Nous » et « eux », 160

Tirésias et la guerre du temps. Autour d'un film de Bertrans Bonello

Le cinématographe, 160

Le cauchemar des images qui rendent aveugles, 168

Le retour de la guerre proprement dit, 170

L'appareillage spectatoriel de la projection et la fonction cathartique du cinéma, 171

Protentions et pulsion : de l'incarnation 174

La captation protentionnelle par les rétentions secondaires collectives (=les R2C), 176

L'art cinématographique comme anelpiston : « il n'y pas lieu d'espérer » parce qu'il quy y a lieu d'inespérer, 179

Postface.

De la pharmacologie

id : 20211125161827
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type : Livre

Introduction. La perte du sentiment d'exister

Première partie

PHARMACOLOGIE DE LESPRIT

Chapitre 1. APOCALYPSE SANS DIEU

  1. Sentiment apocalyptique et guerre économique, 23

  2. « Tant d'horreurs n'auraient pas été possibles sans tant de vertus », 25

  3. « Sciences de fait » et « humanité de fait » : l'extinction des Lumières, 26

  4. Économie de l'esprit et organologie, 28

  5. Perfectionnement des organes et mélancolie, 31

  6. Pharmacologie de l'imagination, 32

  7. Anamnèse et transindividuation, 37

  8. Pharmakon, pharmakos et pharmacologie du bouc émissaire, 39

  9. Pharmacologie de l'objet transitionnel et défaut d'intériorité, 41

  10. La critique pharmacologique de l'inconscient, 43

  11. Pharmacologie de la libido, 46

  12. Socrate et Asclépios, 49

Chapitre 2. PATHOGENÈSE, NORMATIVITÉ

ET « INFIDÉLITÉ DU MILIEU »

  1. L'anthropogenèse comme pathogenèse, 51

  2. La prolétarisation comme désapprentissage et stérilisation de la pathogenèse, 56

  3. Nouvelle critique et pharmacologie des objets qui n'existent pas, 60

  4. Le savoir·comme après-coup du choc pharmacologique, 63

Chapitre 3. PHARMACOLOGIE DU FEU NUCLÉAIRE, AUTOMATISATION GÉNÉRALISÉE ET PROLÉTARISATION TOTALE

  1. Le Pharmakon comme automaton, 67

  2. Le temps spatialisé du pharmakon et le pas au-delà, 70 -

  3. Les coups. Vivre pharmacologiquement, 72

  4. Vouloir déconstruire, 75

  5. Le discernement de l'aimable, 77

  6. Le déplacement de l'infini, 80

  7. La déprolétarisation, 85

  8. Après l'intoxication : le temps de l'après-coup, 93

Deuxième partie PHARMACOLOGIE DU NIHILISME

Chapitre 4. CHOSE, KÉNOSE ET POUVOIR D'INFINITISER

  1. Nihilisme et grammatisation, 99

  2. Ding, choses et vide-greniers, 103 --

  3. Le faux soi du consommateur sans objet, l 06

  4. Le premier objet de la transindividuation, l 08

  5. Le cerveau comme organe vivant de la transindividuation et l'organologie de l'esprit, 112

  6. Quant au soi - la pharmacologie de l'âme, 115

  7. L'esprit des choses et la condition pharmacologique du nihilisme, 117

  8. Kénose industrielle et économie de l'infini, 120

  9. Rock bottom. Les techniques de soi et voir d'infinitiser et savoir infinitiser, 123

  10. Ecologie libidinale de l'immanence infinie, 124

Troisième partie

PHARMACOLOGIE DU CAPITAL

Chapitre 5. ÉCONOMISER SIGNIFIE PRENDRE soin

  1. Appareils psychiques et appareils sociaux dans « l'économie de l'attention », 129

  2. La grammatisation de la transindividuation elle-même et le passage des psychotechnologies aux sociotechnologies, 131

  3. Rétentions tertiaires et transindividuation, 134

  4. Les trois limites du capitalisme et la question du soin, 138

  5. Réinvestir,140

  6. Qu'est-ce qu'une « politique énergétique » ? 142

  7. Énergie de subsistance, énergie d'existence et nouveau savoir­

vivre, l 44

  1. Technologies politiques et transindividuation des différends, 148

  2. Taking care - a new libidinal economy for a new way of life, 151

Chapitre 6. ÉCONOMIE DE l'INCURIE

  1. Économie libidinale et postmodernité, 155

  2. Il n'y a pas de tendance sans contre-tendance, 157 -

  3. Profit, durabilité et toxicité, 159

  4. Les incurieux dans la pharmacologie du capital, 160

  5. Innovation, court-termisme et spéculation, 161

  6. Économie des protentions, 161

  7. Capital consumériste et monnaie de singe : la mathématisation de l'incurie, 168

  8. La macro-tendance court­termiste, 170

  9. Le capitalisme actionnariat comme incurie systémique, 172

  10. Économie de la démesure et responsabilité infinie, 173

Chapitre 7. TENDANCES TECHNIQUES, ORGANOLOGIE GÉNÉRALE ET PUISSANCE PUBLIQUE

  1. La « révolution conservatrice » comme soumission du système technique au système économique, 177

  2. Système technique, systèmes sociaux et marketing, 180

  3. La confusion du système technique et du système économique, principal facteur d'in­ curie, 182

  4. L'effondrement du système des motivations, 184

  5. Pharmacologie des tendances techniques, 188

  6. L'économie de fa contribution comme renversement de la macro-tendance baissière, 191

  7. Organologie des tendances et de leurs agencements transductifi, 195

  8. L'existance comme tendance à l'élévation - there are lots of alternatives, 198

  9. Du vide pulsionnel au renversement de tendance, 200

  10. L'économie de fa contribution, nouveau rapport entre système technique et systèmes sociaux, 203

Quatrième partie

PHARMACOLOGIE DE LA QUESTION

Chapitre 8. LE TEMPS DE LA QUESTION

  1. La transindividuation comme adoption et le temps de la question, 209 --

  2. La possibilité de poser des questions à l'époque des technologies transformation­ nelles, 211

  3. La question de l'impossibilité de poser des questions et fa mise en question devant das unheim- lich Ding, 216

  4. Le péché, le bouc émissaire et la question de Dieu, 220

  5. La mise en question pharmacologique comme suspension de fa « compréhension que l'être-là a de son être », 222

  6. *Encore l'*économie politique, 223

  7. Pas encore là. Le comble du défaut et les deux temps de la question, 225

  8. Critères de sélection et processus d'intériorisation, 227

  9. Processus d'intériorisation et industrialisation du pharmakon, 231

Chapitre 9. ENFANTS À JETER

  1. Les nouveaux boucs émissaires, 237

  2. L'extério­risation comme exclamation et sa différance comme mots et comme gestes, 24

  3. Cris, crises et critiques de la prolétarisation, 248

  4. Reproduction, sélection et adoption à l'époque du pharmakon industriel : la nouvelle critique de la vie, 249

  5. Pour une nouvelle politique de l'adoption, 253

  6. Lutter contre la bêtise, 256

Démocratie contributive

id : 20211124001016
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type : Vocabulaire

Il est plus facile de s’entendre sur ce que la démocratie n’est pas, que de dire ce qu’elle est. Si la démocratie n’est pas l’addition du droit de vote et du libre marché, qu’est-elle ? Ceux qui veulent réduire la démocratie au suffrage universel oublie que l’histoire du suffrage universel n’est pas séparable de celle de l’école : la participation citoyenne implique le savoir-lire et le savoir-écrire ; ils ne veulent pas voir, en outre, que l’abstention est massive.

Si la démocratie est le pouvoir du peuple, le peuple n’existe qu’en tant qu’il ne cesse de s’instituer : c’est un idéal, une consistance – il consiste plutôt qu’il n’existe. « Le peuple » n’est ni « les pauvres » (ou la plèbe, ou les gueux), ni l’unité de la Nation qui est toujours multiple. Ce peuple qu’est le démos n’est pas un individu, mais un processus : c’est un régime fondé par l’accès critique de tous aux principes constitutifs de la transindividuation qui relie le psychique au collectif, cet accès critique étant lui-même rendu possible par un type spécifique de rétention tertiaire que le citoyen doit adopter à travers une éducation politique qui commence avec le skholeion grec.

Le mariage de la démocratie et de la télévision pourrait produire une émission de téléréalité pour une élection politique – en sommes-nous si loin ? La démocratie est ce que ruine la télécratie. La télécratie  a produit la pire des situations : une démocratie participative non-représentative, soit une démocratie sans peuple parce que sans idéal du peuple. Une démocratie de l’audience où on ne sait plus qui de la télévision ou du représentant du peuple commente ce que dit l’autre.

En s’inspirant librement de Macpherson[1], on peut distinguer quatre idées de la démocratie : la démocratie de protection (garantissant la sécurité et protection des biens) ; la démocratie d’épanouissement (garantissant l’aspiration à l’épanouissement personnel, trop vite réduit au « pouvoir d’achat ») ; la démocratie d’équilibre (garantissant la régulation de l’offre et de la demande en s’appuyant sur un système de parties politiques comparables à des entreprises concurrentes) ; la démocratie participative, qui est la seule véritable pour autant qu’elle n’exprime pas à son tour un individualisme conçu comme l’affirmation d’une propriété (« individualisme possessif »).

Ce que l’on a pu appeler la démocratie participative en l’opposant à la démocratie représentative est un leurre tout proche d’une conception populiste de la démocratie. Ou bien la démocratie est participative et représentative, ou bien ce n’est pas une démocratie.

Peut-être vaudrait-il mieux alors parler de démocratie contributive, pour repenser la représentation à partir de la contribution, ce qui nécessite la conception et la mise en œuvre d’une technologie politique spécifique. La démocratie participative comme démocratie de « _n’importe qui »[2], n’est pas nécessairement une démocratie de n’importe quoi. Ce pourquoi la participation citoyenne est toujours subordonnée à l’intelligence des milieux contributifs.

Il n’y a pas d’espace public – ni a fortiori d’espace démocratique – en dehors de techniques ou de technologies de publication. De toute évidence, l’espace numérique et planétaire de publication requiert une nouvelle pensée de la constitution politique et démocratique.

Désir Pulsion

id : 20211124001017
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type : Vocabulaire

Le désir ne s’oppose pas seulement à la sidération, il s’oppose à la pulsion – ou plus exactement il est ce qui trans-forme la pulsion : ce qui la détourne à travers l'idéalisation de son objet et rend possible la sublimation.

La sublimation est le processus constitutif par lequel l'humanité, comme trans-formation des pulsions en désirs, anime l’hominisation comme tendance à l’élévation individuelle qu’Aristote dit noétique (intellectuelle et spirituelle).

Les bêtes, pas plus que les dieux, n’ont de désir : elles ont des instincts. Lorsque les instincts sont trans-formables en désir, ce ne sont plus des instincts, mais des pulsions, qui peuvent cependant toujours régresser au stade de ce que l’on nomme la bêtise.

Le désir, à commencer par celui de vivre, est ce dont on doit prendre soin, il est la matière première de nos existences et de leurs politiques, il est ce qui fait de nous des êtres non-inhumains.La destruction du désir – par la déliaison des pulsions – conduit à la destruction du désir de vivre lui-même : le genre humain est la seule espèce zoologique capable de suicide (individuel ou collectif). Là est le véritable enjeu de ce qu’analysait Freud dans Malaise dans la civilisation (1929).

Si le capitalisme ne fonctionne qu’en produisant de la motivation, il engendre pourtant de nos jours la destruction du désir, celui du consommateur, celui du travailleur. Si le capitalisme industriel est devenu bête, c’est qu’il nourrit nos pulsions en même temps qu’il achève nos désirs. Le capitalisme financier et les médias de masse nuisent à l’investissement, car ils ne s'inscrivent plus dans le désir et le long terme mais dans la pulsion et le court terme. La question centrale de l’économie politique n’est pas celle de la relance de la consommation, mais celle de la relance du désir, tragiquement et suicidairement en panne.

La pulsion, systémiquement installée par le consumérisme, repose sur la possession d’un objet voué à être consommé, c’est à dire consumé, c’est à dire détruit. A l’inverse le désir, aussi bien dans son sujet que dans son objet, est toujours le désir d’une singularité infinie ou inachevée (non-finie). En ce sens, l’infinité du désir est ce qui distingue par exemple la justice du droit, et la promesse du programme.

Écologie (de l’esprit)

id : 20211124114946
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type : Vocabulaire

La discipline nommée « écologie » n’est pas tant la science du milieu que celle des relations d’un être vivant à son milieu. L’écologie, telle que nous la définissons, n’est ni la science d’un environnement objectif, ni la protection de ressourcesquantifiables, ni même la question de la nature, car la question de l’écologie est celle de la culture avant d’être celle de la nature.

Si l’esprit a un milieu qui évolue, et si ce milieu est originairement technique (du silex taillé au silicium des ordinateurs en passant par le biblion du Saint Esprit), alors, de même qu’il faut se soucier de la qualité des milieux naturels afin de préserver leur fécondité future, de même, il faut se soucier de la nature des milieux psychotechniques dans lesquels naissent et se développent de futurs esprits. Il faut présentement aborder la question écologique à partir du capitalisme culturel. Notre milieu de vie est définitivement industriel, et cette industrie est désormais le milieu de notre culture, c’est à dire de notre esprit, et c’est pourquoi nous parlons d’écologie industrielle de l’esprit. De ce point de vue écologique, la question esthétique, la question politique et la question industrielle n’en font qu’une.

L’écologie de la nature est une dimension de la question de l’écologie de l’esprit, c’est à dire d’une écologie générale des milieux : naturels, techniques, institutionnels, symboliques, etc. L’écologie de l’esprit conditionne en effet la résolution des problèmes d’écologie naturelle : si l’on veut modifier leur comportement, il faut changer l’esprit des consommateurs qui détruisent et jettent avant tout pour compenser une misère symbolique systémiquement installée et entretenue par des industries culturelles toxiques.

Autrement dit, la véritable question de l’écologie n’est pas celle de l’énergie de subsistance (épuisement des ressources fossiles), mais celle de l’énergie d’existence(épuisement de l’énergie libidinale).

Economie de la contribution

id : 20211124001021
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type : Vocabulaire

L’économie de la contribution se caractérise principalement par trois traits :

  1. les acteurs économiques n’y sont plus séparés en producteurs d’un côté et consommateurs de l’autre ;
  2. la valeur produite par les contributeurs n’y est pas intégralement monétarisable – elle constitue une externalité positive ;
  3. c’est une économie des existences (productrice de savoir-vivre) autant qu’une économie des subsistances.

Le contributeur n’est ni le consommateur, ni le contribuable, ni le codonateur. Là où l’économie de marché s’intéresse au producteur sous l’angle de la maximisation du profit, et au consommateur sous l’angle de l’ophélimité ou de la fonction d’utilité, là où l’économie publique s’occupe des fonctions de redistribution et de la prise en charge des défaillances du marché (market failures), là où l’économie du don apparaît encastrée dans une relation circulaire entre don et contre-don (donner-recevoir-rendre), l’économie de la contribution fait surgir la figure alternative du contributeur qui articule participation choisie à l’activité, création de valeur sociétale et intérêt au désintéressement. A la régulation par les prix, par la décision publique et par le principe de réciprocité, l’économie de la contribution substitue une régulation par l’interaction, quantitative et qualitative, des participations à l’intérieur d’une activité. Cependant, l’économie de la contribution n’exclue pas les autres manières de produire et d’échanger, mais se conjugue avec elles, accepte les règles du jeu de l’échange monétaire, se préoccupe des choix d’investissement et particulièrement de ceux qui conduisent à la production de biens publics, et fait du don une modalité possible de la participation.

Elle doit tenir compte de :

  1. Du modèle productif, qui doit composer avec la finitude des ressources naturelles et le caractère cumulatif des ressources liées à l’activité cognitive.
  2. Du rapport entre la fonction de contribution et la refonte des solidarités, au-delà du solidarisme assurantiel de l’Etat providence.
  3. De l’exigence d’établir un nouvel ordre de grandeur, ou plutôt de nouvelles mesures.
  4. De la territorialisation de la fonction de contribution qui implique une redéfinition des effets d’agglomération et une réévaluation des politiques publiques.

Les orientations micro-économiques de la fonction de contribution permettent d’enrichir l’analyse économique, en mettant en relief les liens avec l’innovation, la création d’activités nouvelles et les externalités

D’essence hyperconsumériste, le concept d’économie créative, appuyé sur les travaux de John Howkins, doit être dépassé par celui (plus proche de ce qui a été appelé le « capitalisme cognitif »[1] de sociétés de contribution et de territoires contributifs fondés sur les technologies culturelles collaboratives. Si Internet rend possible l’économie dite contributive – typique du logiciel libre –, c’est parce qu’il est un milieu technique tel que les destinataires sont mis en principe en position de destinateurs : il est dialogique. Mais le succès très rapide d’Internet ne sera véritablement un succès économique (au double sens du terme) que s’il fait l’objet d’une politique industrielle publique, au-delà des dynamiques spectaculaires issues des nouvelles entreprises industrielles apparues dans ce milieu contributif, que dominent actuellement moteurs de recherche et réseaux sociaux.

[1] Cf. Christian Azaïs, Antonella Corsani, Patrick Dieuaide, eds., Vers un capitalisme cognitif. Entre mutations du travail et territoires, préface de Bernard Paulré, postface de Christan Palloix, L’Harmattan, 2001. Voir en particulier dans cet ouvrage Pascal Jollivet, « Les NTIC et l’affirmation du travail coopératif réticulaire », pp. 45-63. Cf. aussi Le capitalisme cognitif. La nouvelle grande transformation, Yann Moullier Boutang, Amsterdam, 2007.

Économie libidinale

id : 20211124100935
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type : Vocabulaire

La libido, nous dit Freud, est l’énergie qui constitue ce que l’on nomme plus communément l’eros ou l’amour, sexuel ou non : l’énergie de l’amour que l’on porte aux autres, l’amour de soi, mais aussi de l’attachement à un objet ou à une idée[1]. C’est le concept clé de la théorie psychanalytique freudienne. La libido est la socialisation de l’énergie produite par la pulsion sexuelle et les pulsions afférentes, mais telles que, comme désir, ces pulsions sont transformées en objets sublimables : objets d’amour ou d’attention à l’autre – objets d’investissements. La libido est cependant toujours projetée, canalisée et médiatisée par des artefacts comme en témoigne la question freudienne du fétichisme,et c’est pourquoi elle peut elle-même faire l’objet de techniques et de technologies devenues industrielles.

L’économie libidinale est un concept freudien fondamental qui nomme l’énergie produite par une économie des investissements sexuels constituée par leur désexualisation. L’économie de cette énergie (la libido) transforme les pulsions (dont la pulsion sexuelle) en les mettant en réserve (comme investissement). Toute société repose sur une économie libidinale qui transforme la satisfaction des pulsions, par essence asociales, en un acte social. L’économie libidinale est en panne lorsqu’il y a faillite du « narcissisme primordial ».

Capitalisme et libido. Le capitalisme du XXe siècle a fait de la libido sa principale énergie. Il ne suffit pas de disposer de pétrole pour « faire marcher » le capitalisme consumériste : il faut pouvoir exploiter aussi et surtout la libido. L’énergie libidinale doit être canalisée sur les objets de la consommation afin d’absorber les excédents de la production industrielle. Il s’agit de façonner des désirs selon les besoins de la rentabilité des investissements – c’est à dire aussi bien de réduire les désirs à des besoins. L’exploitation managériale illimitée de la libido est ce qui détruit notre désir. De même que l’exploitation du charbon et du pétrole nous force aujourd’hui à trouver des énergies renouvelables, de même, il faut trouver une énergie renouvelable de la libido – ce pourquoi nous disons que c’estun problèmeécologique.

Seule l’analyse en termes d’économie libidinale permet de comprendre pourquoi et comment la tendance pulsionnelle du système psychique et la tendance spéculative du système économique font précisément système. Une économie de marché saine est une économie où les tendances à l’investissement se combinent avec des tendances sublimatoires – ce qui n’est précisément plus le cas.

[1]« Libido est un terme emprunté à la théorie de l’affectivité. Nous désignons ainsi l’énergie, considérée comme grandeur quantitative – quoique pour l’instant non mesurable –, de ces pulsions qui ont affaire avec tout ce que nous résumons sous le nom d’amour. Le noyau que nous avons désigné sous ce nom d’amour est formé naturellement par ce qu’on appelle d’ordinaire amour et que chantent les poètes, l’amour entre les sexes, avec pour but l’union sexuelle. Mais nous n’en dissocions pas ce qui, outre cela, relève du mot amour, ni d’une par l’amour de soi, ni d’autre part l’amour filial et parental, l’amitié et l’amour des hommes en général, ni même l’attachement à des objets concrets et à des idées abstraites. Notre justification réside en ceci que la recherche psychanalytique nous a appris : toutes ces tendances sont l’expression des mêmes motions pulsionnelles qui dans les relations entre les sexes poussent à l’union sexuelle, et qui dans d’autres cas sont certes détournées de ce but sexuel ou empêchées de l’atteindre, mais qui n’en conservent pas moins assez de leur nature originelle pour garder une identité bien reconnaissable (sacrifice de soi, tendance à se rapprocher) » Freud, « Psychologie des foules et analyse du moi » (1921), in Essais de Psychanalyse, Payot, 2001, p. 167.

Économie politique

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Originellement et étymologiquement, l’oikonomia est le gouvernement (nomos) de la maison familiale (oikos) pour son bien commun – un mode de production et d’administration domestique qu’Aristote oppose à l’acquisition du gain, celle-ci étant devenue par un renversement de l’histoire ce qu’aujourd’hui on appelle l’économie.

Le divorce de l’homo oeconomicus et de l’homo sociologicus a conduit à la destruction de ce dernier, c’est à dire à la destruction de son milieu d’individuation. L’idée que l’économie est une sphère autonome et l’idée corrélative que le social est hétéronome (soumis à l’économie) sont historiquement récentes et doivent être surmontées. The Great Transformation (1944) annoncée par Polanyi n’a pas eu lieu. Nous vivons toujours dans une économie de marché, gouvernée par les prix et par eux seuls, où tout se mesure, a un prix, non seulement les biens, ce qu’on appelle communément les marchandises, mais aussi le travail, la terre, la monnaie.

La faiblesse congénitale de la société du XIXe siècle ne vient pas de ce qu’elle était industrielle, mais de ce qu’elle était une société de marché[1].

Il n’est pas besoin de se cacher derrière le mot « crise », pour feindre que le marché n’est pas de part en part politique : le marché a des mains (prothétisées), et elles sont visibles. L’économie est l’affaire de la politique, une économie ne tient que si elle est politique. S’il faut lutter contre la séparation du politique et de l’économique, c’est que l’économie politique n’est précisément pas un espace à côté d’autres espaces (comme on peut mettre une sphère parlementaire à côté d’une sphère financière, ou une sphère publique à côté d’une sphère privée), c’est au contraire ce qui réagence les espaces.

[1] Karl Polanyi La Grande Transformation, Gallimard, 1983, p. 339.

Epiphylogénèse

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L’épiphylogénèse est un néologisme forgé par Bernard Stiegler à partir de deux autres termes : la phylogénèse et l’épigénèse. La phylogénèse est la genèse de l’espèce (ou plus généralement du phylum). L’épigénèse désigne aujourd’hui l’ensemble des facteurs de développement de l’individu (ontogénèse) qui ne sont pas génétiques (qui ne sont pas « inscrits » dans l’ADN). L’épiphylogénèse désigne donc les facteurs d’évolution de l’espèce humaine qui ne sont pas génétiques ; cette hominisation est une extériorisation technique qui poursuit la vie par d’autres moyens que la vie.

Il y a trois mémoires :

**1)**la mémoire germinale ou génétique (notre génome) ;

**2)**la mémoire somatique ou épigénétique, mémoire nerveuse ou neurologique (les traces de notre vécu dans notre organisme) ;

**3)**la mémoire épiphylogénétique, qui n’est ni génétique, ni somatique, mais qui est constituée par l’ensemble des techniques et mnémotechniques nous permettant d’hériter d’un passé qui n’a pourtant pas été vécu.

C’est cette troisième mémoire qui nous intéresse car c’est elle qui constitue le propre de l’humanité. Le fait anthropologique (l’origine de l’hominisation) est la constitution d’un milieu épiphylogénétique, c’est-à-dire d’un milieu constitué d’artefacts qui deviennent les supports techniques d’une mémoire s’ajoutant aux deux autres mémoires – qui sont biologiques.

Esprit

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Il est plus urgent que jamais « d’intéresser les esprits au sort de l’Esprit, c’est-à-dire à leur propre sort » (Paul Valery, La liberté de l’Esprit, 1939). La vie, est puissance de transformation réciproque d’un vivant et d’un milieu. Mais, précise Valéry, pour l’organisme humain, vivre, c’est non seulement conserver cette puissance, mais c’est aussi créer un supplément de valeurs, la valeur de l’esprit[1]. De quoi est composé ce capital symbolique ?

Il est d’abord constitué par des choses, des objets matériels – livres, tableaux, instrument, etc. qui ont leur durée probable, leur fragilité, leur précarité de choses. Mais ce matériel ne suffit pas. Pas plus qu’un lingot d’or, un hectare de bonne terre, ou une machine ne sont des capitaux, en l’absence d’hommes qui en ont besoin et qui savent s’en servir. [2]

Lorsque les hommes ne savent plus se servir des technologies de l’esprit qui leur sont imposées, c’est alors l’esprit qui a perdu son capital, c’est aussi bien le capitalisme qui a perdu son esprit[3].

« Par ce nom d’esprit, je n’entends pas du tout une entité métaphysique ; j’entends ici, très simplement, une puissance de transformation »[4]. L’esprit n’est ni âme immatérielle ni matière cérébrale : l’esprit est ce que devient l’activité cérébrale lorsqu’elle transforme les choses du monde extérieur en des supports de mémoire (des « rétentions tertiaires »). Les objets fabriqués par l’homme, ou « artefacts », sont ainsi les « béquilles de l’esprit », des « prothèses » en un sens particulier de ce terme – puisqu’ici la « prothèse » ne vient pas remplacer un organe manquant mais rendre possible son fonctionnement. Il n’y a pas d’esprit sans medium (sans intermédiaire) qui conserve la mémoire comme organisation de la matière inorganique. L’esprit est ainsi une dynamique qui résulte de l’extériorisation de la mémoire, puisque cette dernière est ce qui, par un paradoxe apparent, rend possible la construction d’une « intériorité » chez l’homme. Ce paradoxe signifie que la vie animale ne peut devenir existence humaine qu’en s’appuyant sur les objets techniques et sur le langage : l’esprit est un processus à la fois psychique, social et technique.

L’esprit est donc la dynamique de la « transindividuation » – techniquement médiatisée – par laquelle le « je » et le « nous » se constituent ensemble en une individuation indissociablement « psychique et collective ». Le « et » de cette expression (« psychique et collective ») peut donc être compris comme ce qui désigne l’esprit, s’il est vrai, comme s’est évertué à le penser Simondon, que le « psychique pur » et le « social pur » ne permettent pas la « spiritualité » du « transindividuel » mais retombent respectivement dans le bio-psychique et le bio-social des mammifères et des insectes.

Etat de choc

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[table des matières]

Introduction 9

  1. Souveraineté et soumission 9

  2. La raison en guerre contre la raison 12

  3. Chocs, thérapies, pharmacologie 15

  4. Responsabilités 21

PREMIÈRE PARTIE - PHARMACOLOGIE DE LA BETISE

Introduction à l'époque post-structuraliste

Premier chapitre. La déraison 33

  1. « Un torrent d'événements s'abat sur l'humanité. » Déraison et régression 33

  2. Encore et toujours passer à l'acte. Déraison, irresponsabilité, bassesse 33

  3. Raison et responsabilité. Qu'est-ce qu'un universitaire ? 39

  4. L'impasse - savoirs discrédités, école disqualifiée 41

  5. Savoirs, générations et marketing 44

  6. « Très haute tension » dont il vaut mieux « ne jamais s'approcher», madame la Marquise 47

  7. Conflits intergénérationnels, infantilisation des parents et technologies 50

  8. Savoirs et « destruction créatrice » 53

  9. Idiotie, bêtise et stupidité 57

  10. La « génération déclassée » s'adresse à la « génération lyrique » 61

  11. De la doctrine « Choc et effroi » à l'état de choc chronique dans la guerre économique mondiale 67

Chapitre 2. Faire et dire des bêtises au XXe siècle 73

  1. « Savons-nous donc qui nous sommes nous-mêmes ? » 74

  2. Prostitution de la théorie, réification et prolétarisation 75

  3. Épiméthée et Sisyphe - « le plus rusé des mortels » 80

  4. Derrida fait la bête - et Deleuze n'est pas exactement Derrida 83

  5. La répétition comme individuation 88

  6. Indéterminé et détermination - Le Voyageur et son ombre dans l'individuation psycho-sociale 92

  7. Différance et répétition 95

  8. La problématisation du vivant 97

  9. Trois types de désindividuation psychique 102

Chapitre 3. Différance et répétition

Penser la différance comme individuation 107

  1. L'avenir de l'individuation et la question de la répétition 107

  2. Individuation et régression 111

  3. La pharmacologie de la répétition comme pharmacologie de l'inconscient 115

  4. *Zones d'ombre. L'*Aufklarung après la découverte de l'inconscient 121

  5. L'arsenal pharmacologique au-delà de la raison 126

  6. Décisions, incisions, découragement 131

  7. Alternatives, imagination et invention 134

  8. Les masques de la raison et la responsabilité de l'université 139

Chapitre 4. Après coup, le différend 145

  1. Silence, langage, technologie, témoignage 145

  2. Systémique et responsabilités 149

  3. Technologies de la responsabilité et responsabilités devant la technologie 158

  4. L'anamnèse comme après-coup 162

  5. Invention et résistance. La dilution de responsabilité 165

  6. De la dialectique au post-structuralisme et au-delà. Relire 171

Chapitre 5. Lire et relire Hegel après le post-structuralisme 175

  1. Quatre raisons de prendre la dialectique hégélienne au sérieux 175

  2. Hegel à la lettre 180

  3. L'esprit comme extériorisation 183

  4. Relire 1 - La Phénoménologie de l'esprit 186

  5. Relire 2. L'esprit objectif et l'impensé de Hegel 193

Chapitre 6. Relire les Fondements de la critique de l'économie politique. Par-delà deux malentendus marxistes et post-structuralistes 201

  1. Relire 3 - Maîtrise et servitude : à propos de la « dictature du prolétariat » 202

  2. Relire 4 - Les Fondements de la critique de l'économie politique 214

  3. Alternatives, réformes et révolutions 223

  4. La décadence du progressisme, la double fiction de la classe « ouvrière » et des classes « moyennes » et la reconquête des savoirs 230

  5. Créances et mécréance, crédits et discrédit 234

DEUXIÈME PARTIE L'UNIVERSITÉ SOUS CONDITION

Chapitre 7. Les nouvelles responsabilités de l'Université.

Dans la guerre économique mondiale 245

  1. Formations et déformations de la raison 245

  2. Attention et pensée. La guerre contre l'école et la tâche de l'université 247

  3. Salut et pharmacologie des générations. A propos de la décadence 249

  4. Rétentions et conditions de l'université 251

  5. La condition de possibilité pharmacologique du raisonnement apodictique 253

  6. La révolution contemporain des rétentions tertiaires analogiques et numériques 256

  7. Apprendre à vivre et enseigner dans l'extériorisation technique 258

  8. Savoirs et désindividuations : le destin pharmacologique 261

  9. La vérité comme criterium d'individuation sociale 262

  10. Pharmacologie des idées 265

  11. Organologie des savoirs 267

  12. Phénoménotechniques de la rationalisation 269

  13. L'extrême désenchantement, l'anti-savoir et la paix de l'esprit 271

  14. Djihad néolibéral et pharmacologie positive, 273

  15. Sept propositions pour l'intergénérationnel, 275

Chapitre 8. Internation et interscience 279

  1. Vitesse et pensée 279

  2. La rationalisation de l'impuissance et le temps de la pharmacologie positive 285

  3. Crise mondiale et internation 288

  4. L'internation contre la désindividuation 293

  5. Internation et interscience 299

  6. « Destruction créatrice », efficience et désindividuation - à propos des finalités de l'innovation 303

  7. Temps des savoirs et temps des générations 307

  8. Soifs de savoir et enjeux de pouvoir 309

  9. La requalification des sociétés savantes et la nouvelle division du travail intellectuel 311

  10. Autonomie et hétéronomie de l'université : la condition de l'inconditionnel. 315

  11. La condition industrielle de l'université 318

  12. Savoirs et expertises : la prolétarisation généralisée mise en œuvre par des« élites» elles-mêmes prolétarisées 319

  13. La déconstruction d'après l'ars inveniendi 322

Chapitre 9. lnterscience, intergénération et autonomie des universités 327

  1. La recherche contributive par-delà le dedans et le dehors de l'université 327

  2. La vie de l'esprit comme nouveau contrat intergénérationnel 333

  3. Savoir faire avec le pharmakon entre les générations 335

  4. Le gai savoir- métadonnées et métalangages 337

  5. Les industries éditoriales de la société savante 340

  6. L'école, la nation, l'internation 346

  7. Pour une école européenne dans l'internation - contre la décadence de l'Europe 350

  8. Connaissances et renaissances dans l'enseignement contributif. 354

Financiarisation (court-termisme)

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Si la finance est bien un commerce de promesses[1], alors il fait partie de sa définition que ces promesses puissent ne pas être tenues. Il ne faut pas se mentir : les crises du capitalisme, comme celle de 2008, font partie de son fonctionnement. Une promesse n’est pas virtuelle, elle n’est pas irréelle, elle est incertaine.

La véritable question philosophique à propos de la finance est de savoir que faire de cette idée selon laquelle il y aurait la sphère réelle des affaires humaines d’un côté, et cette sphère financière, parfois qualifiée de « virtuelle », de l’autre. Toute spéculative qu’elle est, la liquidité financière a des conditions ou des prothèses techniques bien réelles[2], tout comme elle a des effets bien réels, des effets « économiques », au sens étroit (elle ne spécule pas sur des valeurs qui lui préexistent, elle les crée, elle fixe les prix), et au sens large (puisque, par exemple, elle dicte un « gouvernement d’entreprise » et un « individualisme patrimonial »[3]).

La finance n’est pas une sphère de spéculation fermée sur elle-même, c’est la logique même de notre mode de gouvernementalité néolibérale qui ne cesse d’intervenir dans notre vie quotidienne. La finance c’est le temps individualisé de l’endettement à la consommation et de l’assurance des risques, c’est le temps du crédit[4] et le crédit en général c’est l’organisation de protentions. « La financiarisation du monde, écrit Bernard Stiegler, tout comme le modèle consumériste qu’elle accompagne, est devenu systématiquement court-termiste; or, une tendance court-termiste parfaitement réalisée conduit à la destruction du temps des rétentions que sont les savoirs aussi bien que des protentions que sont les investissements[5] ».

Les actifs financiers actuels, transformant en fin de compte ce qui n’était initialement qu’un moyen (à commencer par la monnaie), ont découplé la richesse de l’investissement, au point que la finance a perdu toutes ses racines (étymologiques) : non seulement notre confiance (fidus), mais encore toute fidélité (fides).

[1]cf. Pierre-Noël Giraud, Le commerce des promesses. Petit traité de la finance moderne, Seuil, rééd. 2009.

[2]cf. Réseaux, « Technologies de marché », vol. 26, n°122, 2003, présenté par Michel Callon, Christian Licoppe, Fabian Muniesa.

[3]cf. André Orléan, Le Pouvoir de la Finance, Paris, Odile Jacob, 1999.

[4]cf. Jean-Michel Rey, Le Temps du crédit, Desclée de Brouwer, 2002.

[5]Bernard Stiegler, Pour une nouvelle critique de l’économie politique, Galilée, 2009.

Grammatisation (techniques de reproduction)

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La grammatisation désigne la transformationd’un continu temporel en un discret spatial (des grammes) : c’est un processus de description, de formalisation et de discrétisation des comportements humains (calculs, langages et gestes) qui permet leur reproductibilité ; c’est une abstraction de formes par l’extériorisation des flux dans les « rétentions tertiaires » (exportées dans nos machines, nos appareils).

Grammatiser, c’est donc discrétiser en vue de reproduire. Sera nommée gramme toute unité discrète inscrite dans un support technique de mémoire (hypomnemata). Le processus de grammatisation est l’histoire technique de la mémoire : c’est l’histoire du supplément, au sens où en parlait Jacques Derrida, mais tel qu’il consiste en une discrétisation, une discrimination, une analyse et une décomposition des flux (qui n’est pas étrangère au codage-décodage selon Gilles Deleuze et Félix Guattari).

Le processus de grammatisation ne concerne pas seulement le langage (telle cette machine à écrire qu’était la cité grecque), mais aussi lesgestes et les comportements (telle la machine-outil qui émerge de la rencontre entre l’ingénieur James Watt et l’entrepreneur Matthew Boulton). Le machinisme industriel reproduit les gestes du travail, comme l’écriture imprimée reproduit la parole en autant d’exemplaires. C’est au XIXe siècle que commence un nouveau stade de la grammatisation : son stade analogique qui permettra au XXe siècle la production et la reproduction d’objets temporels industriels (ex. le phonographe, le cinématographe). Le sensible sous toutes ces formes devient reproductible (Benjamin). Le dernier stade de la grammatisation est le nôtre : son stade numérique, qui est aussi celui de la société hyperindustrielle où l’extériorisation des fonctions de lecture et de computation semble dissociée de l’intériorisation qui accompagnait autrefois calcul et lecture.

Le concept de grammatisation définit et décrit des époques et des techniques qui apparaissent mais ne disparaissent jamais : en aucun cas l’informatique ne fait disparaître la lecture et l’écriture. C’est au contraire une archi-lecture qui change les conditions de la lecture et de l’écriture.

Il existe trois discrétisations : littérale, analogique et numérique. Elles n’ont pas les mêmes modalités de socialisation et ne produisent pas les mêmes effets épistémiques. Typiquement, on ne fait pas de calculs sur des grammatisations analogiques, alors que l’informatique est faite pour faire des calculs, des traitements. Dans le cas de l’analogique, la discrétisation est insensible pour le destinataire, tandis qu’en passant à l’appareil numérique, des parties du signal m’apparaissent en tant que discrètes et manipulables, et c’est ce qui rend possible ce qu’on appelle l’interactivité : je peux agir sur l’information.

Hypermatière

id : 20211124001033
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_Hypermatériel_est un terme qui tente de penser ce qui a été dénommé à tort l’immatériel (notamment par André Gorz). Il faut se défaire de l’idée que les technologies cognitives et culturelles sont immatérielles : l’immatériel n’existe pas. La matière, devenue flux, est de moins en moins solide, elle n’en est pas pour cela immatérielle, et il faut au contraire, en outre, de plus en plus de matériels pour la transformer.

Quand on parle d’immatérialité, on tente de désigner inadéquatement l’invisibilité de la matière, ou, plus profondément, on tente de réfléchir sur ce qui a considérablement bouleversé notre vision de la matière, à savoir la maîtrise relative de sa vitesse. Parler d’hypermatérialité c’est rappeler que ce qui est en jeu aujourd’hui est la maîtrise de la matière-énergie dans ses moindres états et à toutes échelles, non la supposée immatérialité de l’information. Le propre d’une technologie de l’esprit, qui est de produire des effets sur un esprit, n’est évidemment pas son « immatérialité ».

L’information est un processus ou se produisent des états de matière par l’intermédiaire de matériels, d’appareils, de dispositifs techno-logiques qui contrôlent ce processus aux échelles du nanomètre et de la nanoseconde - où ce n’est pas seulement ce qui duplique qui est matériel, mais aussi ce qui est dupliqué. En-deçà ou au-delà du couple de la matière et de la forme, par-delà l’hylémorphisme (Simondon), ce qu’il s’agit de penser aujourd’hui avec le concept d’hypermatière, est le couple de l’énergie et de l’information.

Il n’y a ni société « post-industrielle », ni « économie de l’immatériel », bien au contraire : tout est de plus en plus industrialisé, c’est à dire aussi matérialisé – mais à un point tel que cette matérialisation engendre des phénomènes complexes et relationnels entre niveaux de matérialités (en particulier comme production de rétentions tertiaires) que nous disons donc hypermatériels. Dans ce contexte, ce ne sont plus seulement l’exploitation des énergies naturelles et la transformation des matières premières qui sont industrielles : c’est la cognition, c’est le façonnage des comportements individuels, c’est la culture commune. Dans l’économie de l’hypermatériel tout devient industriel, y compris la reproduction des vivants humains.

Individuation

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L’individu n’est pas seulement un (unité, totalité), il est unique (unicité, singularité). Historiquement, l’individualité a toujours eu deux faces. D’une part, l’individu est l’atome, il est ce que l’on ne peut pas diviser sans tuer, d’autre part, l’individu est l’unique, il est ce qui n’est pas substituable. D’une part, l’individu se distingue comme unité totale face à son environnement, d’autre part il se distingue comme unité singulière face aux autres individus. Ces deux faces sont conciliables, mais pour cela nous devons considérer la totalité indivisible comme étant celle de l’individu et du milieu, et non celle de l’individu seul. Dans cette optique, un individu ne peut être singulier que si son milieu est singulier – cela suppose que l’on peut partager le même lieu sans partager le même milieu[1].

Un individu est un verbe infinitif plutôt qu’un substantif défini, un devenir plutôt qu’un état, une relation plutôt qu’un terme et c’est pourquoi il convient de parler d’individuation plutôt que d’individu. Pour comprendre l’individu, il faut en décrire la genèse au lieu de le présupposer. Or cette genèse, soit l’individuation de l’individu, ne donne pas seulement naissance à un individu, mais aussi à son milieu associé. Telle fut la leçon philosophique deGilbert Simondon[2].

L’individuation humaine est la formation, à la fois biologique, psychologique et sociale, de l’individu toujours inachevé. L’individuation humaine est triple, c’est une individuation à trois brins, car elle est toujours à la fois psychique (« je »), collective (« nous ») et technique (ce milieu qui relie le « je » au « nous », milieu concret et effectif, supporté par des mnémotechniques)[3]. Cet « à la fois » constitue en grande partie l’enjeu historique et philosophique de la notion d’individuation. Par exemple, on se demandera de quelle manière la médiation mnémotechnique de l’imprimerie surdétermina les conditions de l’individuation et reconfigura les rapports du « je » et du « nous ».La politique industrielle ou l’écologie de l’esprit que nous appelons de nos vœux repose fondamentalement sur la ré-articulation entre l’individuation psychique, l’individuation_collective_ et l’individuation_technique._

Individuation vs. individualisme. C’est un paradoxe de notre temps maintes fois relevé : l’individualisme de masse ne permet pas l’individuation de masse. C’est la force des technologies de gouvernances néolibérales que d’avoir réussi à priver l’individu de son individuation, au nom même de son individualité. L’individualisme est un régime général d’équivalence où, chacun valant chacun, tout se vaut ; à l’inverse, l’individuation engage une philosophie où rien ne s’équivaut. L’individualisme répond à une logique où l’individu réclame sa part dans le partage des ayants droits (partage entre particularités, entre minorités) ; à l’inverse, l’individuation répond à une philosophie qui brise cette logique de l’identification, et pour laquelle il n’est pas de partage qui ne soit participation et pas de participation qui ne mène l’individu à dépasser ce qui le départage. On l’aura compris : l’individuation n’est pas l’individualisation – et l’individualisation, au sens où l’entend l’individualisme consumériste, est une désindividuation.

Il est donc des banalités philosophiques bonnes à rappeler : l’individu est singulier dans la mesure où il n’est pas particulier. Comment échapper à la particularité d’un chiffre (celui d’un génome, d’un code barre, d’une puce RFID) ou à celle d’un moi (une opinion, un goût, un vote) ? La particularité est reproductible, la singularité ne l’est pas : elle ne peut pas être un exemplaire – mais elle est un exemple de ce que c’est que s’individuer. Un individu est singulier dans la mesure où il n’est pas substituable : sa place ou son rôle ne peut pas préexister à son être. Il y a donc de quoi s’inquiéter des standardisations industrielles productiviste puis consumériste qui transforment le singulier en particulier, ou de ce marketing croissant qui assaille un cerveau de plus en plus formaté et de moins en moins formé.

Industries, industries culturelles et technologies de l''esprit

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Nous vivons et nous vivrons dans un monde toujours plus industriel, et le post-industriel est tout aussi fantasmatique que l’immatériel. Il ne s’agit donc pas de chercher des limites à l’industrie, mais de la penser autrement. L’idée que nous serions dans une société post-industrielle repose sur une faiblesse analytique fondamentale et une conception archaïque et fausse de ce qu’est l’industrie : les machines, la fumée, la transformation des matières premières, etc. Or l’industrie va bien au-delà. L’industrie est ce qui suppose du capital libre s’investissant dans de la technologie permettant de gagner en productivité et de réaliser des économies d’échelles. Durant deux siècles, ces économies d’échelles ont été rendues possibles par la massification (d’abord des producteurs, ensuite des consommateurs) conduisant à la monétarisation de toutes les activités humaines.

Au cours du XXe siècle, la culture est devenue une industrie[1], c’est même aujourd’hui l’industrie la plus puissante. Du côté de la consommation, les industries de la culture ont transformé la vie de l’esprit en divertissement, en jouissance, du côté de la conception, de la production et du marketing, elles l’ont transformé en calculabilité. De nos jours cependant, les technologies culturelles font émerger des pratiques où ce sont les publics, tels qu’ils ne veulent pas se laisser réduire à des audiences, qui se mettent en position d’avant-garde de la société industrielle qui s’invente. À travers ces pratiques culturelles qui sont largement le fait des natifs du numérique (mais aussi, souvent, de retraités et de chômeurs) prennent forme les tendances caractéristiques d’une écologie relationnelle qui met en œuvre une nouvelle idée du milieu psycho-socio-technique.

L’esprit se produit dans un milieu technique. Or la mise en culture d’un tel milieu, qui a totalement muté du fait du développement spectaculaire des technologies cognitives et culturelles, ne peut être laissée au capitalisme financiarisé (qui travaille dans le court terme), mais doit être aujourd’hui portée et conduite à la fois par une politique publique – en particulier comme politique d’éducation et de « capacitation » et comme politique industrielle (qui travaille dans le long terme). Les technologies collaboratives de l’esprit sont appelées à modifier en profondeur la séquence linéaire conception – production – marketing – distribution – consommation. Après les industries de transformation de la matière, après les industries culturelles du XXe siècle issues du stade analogique de la grammatisation, le XXIe siècle, ouvre le stade numérique des technologies de l’esprit. Le milieu numérique offre possiblement des technologies de transindividuation, mais réaliser ce possible ne pourra se faire que si ces nouvelles industries de l’esprit associent les capacitations ou les empowerment de l’individu.

[1]La question de l’individuation de l’esprit, cet esprit possédant tout, n’habitant rien, égaré au milieu d’excitations culturelles désormais industrielles, était déjà au cœur ce que Georg Simmel nommait « La tragédie de la culture » (1911). Trente ans plus tard (1944), Adorno et Horkheimer, nous ouvraient les yeux sur la Kulturindustrie : « La culture est une marchandise paradoxale. Elle est si totalement soumise à la loi de l’échange qu’elle n’est même plus échangée ; elle se fond si aveuglément dans la consommation qu’elle n’est plus consommable. C’est pourquoi elle se fond avec la publicité » (cf. Theodor Adorno, Max Horkheimer, La dialectique de la raison, « La production industrielle de biens culturels. Raison et mystification des masses », Gallimard, 1974 p.170).

Intelligence

id : 20211124112454
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type : Vocabulaire

[[20211124112403]]

L’intelligence n’est pas la connaissance ou la science – et chacun sait qu’il est possible de produire de la bêtise sous caution scientifique. L’intelligence est ce qui nous élève au-dessus de notre propre bêtise, et telle qu’elle est toujours à reconquérir : l’intelligence a une tendance inéluctable à retomber en bêtises. C’est pourquoi Valéry peut écrire après la première guerre mondiale : « Tant d’horreurs n’auraient pas été possibles sans tant de vertus ».

L’intelligence est agencement de rétentions et protentions à travers l’attention. La formation de l’attention est la formation d’un désir d’intelligence, désir d’inter-legere. L’intelligence est ce par quoi peut advenir un milieu qui donne à la « raison » son sens premier de raison de vivre. L’intelligence n’est donc pas à opposer à la vie, pas plus qu’elle n’est à opposer à la sensibilité. Pour chaque être humain, le milieu vital, du corps comme de l’esprit, est technique. Ceux qui prétendent lutter contre la bêtise, doivent d’abord comprendre que ce qui est bête ou intelligent, ce n’est pas tant tel individu ou tel milieu que la relation qui les lie l’un à l’autre. Le milieu de l’homme moderne transforme celui-ci à tel point que « nous ne supportons plus la durée ».

Externalité de l’intelligence (collective). La philosophie contemporaine semble s’accorder sur le caractère originellement artificiel et externe de l’intelligence humaine. Une philosophie externaliste conséquente affirme qu’il n’y a pas d’intériorisation possible sans extériorisation corrélative. Il faut donc tenter de penser ce que signifie véritablement une « co-naissance », soit la co-émergence de l’individu et de son milieu.L’externalité de l’intelligence est une autre manière de dire que l’intelligence individuelle n’existe pas, en ce sens que le psychique est toujours supporté par des conditions socio-techniques, qui sont le milieu dans lequel toute intelligence se déploie.

Investissement

id : 20211124103229
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type : Vocabulaire

La capacité d’investissement, telle qu’elle caractérise la société industrielle qui se trouve requise par le machinisme, est ce qui suppose du capital libre – libre de s’investir dans un risque entrepreneurial qu’il accompagne et dont il est distinct : il n’y a pas de capitalisme sans économie bancaire.

Mais l’investissement (dans la langue de Freud, Besetzung) est aussi ce qui caractérise le désir dans son rapport à l’objet, et par où précisément ses énergies primaires (les pulsions) transformé en énergie libidinale investie dans un objet, ce qui suppose que l’énergie pulsionnelle soit elle-même libre, c’est à dire capable de se détourner de son but premier : ce que Freud nomme freie Energie.

Pour Ars Industrialis, le capitalisme n’est pas seulement un mode de production industriel ni une financiarisation de l’échange marchand : il est d’abord une économie libidinale qui,dans sa forme actuelle, a conduit à l’épuisement du désir, ce pourquoi le capitalisme est devenu auto-destructeur. Dire du capitalisme actuel qu’il est privé de désir, c’est dire que le capitalisme n’investit plus, qu’il tend à épuiser toute possibilité d’investissement. Ce qui s’épuise n’est pas seulement le capitalisme hyper-spéculatif à tendance mafieuse, mais l’investissementen général, soit le désir du consommateur qui ne désire plus ce qu’il consomme, mais qui en est devenu dépendant – le marketing de l’addiction sollicitant désormais directement ses pulsions. Les politiciens qui tentent de nous rassurer en annonçant la « relance par la consommation » ne comprennent pas que c’est elle qui est devenue le problème puisqu’elle fait désormais système avec un capitalisme financier fondé sur le désinvestissement : sur l’infidélité systémique de tous à l’égard de tous et de tous à l’égard de tout.

Le nouveau capitalisme mondial ne renouvellera ses énergies qu’à la condition d’inventer une nouvelle logique et de nouveaux objets d’investissements, au double sens de l’économie industrielle et de l’économie libidinale, en tirant parti des technologies numériques de l’esprit qui rompent structurellement avec le modèle fondé sur l’opposition production/consommation – l’impératif n’étant ni la relance par la consommation, ni une pseudo-relance par l’investissement dans le modèle consumériste, mais la relance par la reconstruction du désir.

L'épokhè de ma vie

id : 20211125161812
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type : Livre

CHAPITRE 1 : La disruption ; une nouvelle forme de barbarie

  1. La perte de la raison

  2. Du bidonville de Témara à la présidence de l'université de Compiègne

  3. De Richard Durne à Jean-Marie Le Pen : le narcissisme primordial du je et la raison de vivre

  4. « Nouvelles formes de barbarie » et gouvernementalité algorithmique

  5. Toujours trop tard

CHAPITRE DEUX. L'absence d'époque 27

  1. Avant la fin

  2. Téléologie négative et fin sans finalité

  3. Epokhè et disruption

  4. Epoques et protentions collectives

  5. Disruption et partage

CHAPITRE TROIS. Radicalisation et soumission 41

  1. (lettres grecques) et aboulie

  2. Vitesse et vanité

  3. Rétentions et disruption

  4. Désespoir et soumission

  5. Ce qu'il ne faut pas perdre

  6. La nuéguanthropie

  7. Identification, idéalisation et sublimation dans l'admiration mutuelle des nous

  8. Individuation, admiration et insoumission

CHAPITRE QUATRE. Administration de la sauvagerie, disruption et barbarie 65

  1. Les barbares attaquent

  2. Nihilisme, disruption, folie

  3. Noèse et hallucination

  4. Hors la loi : l'épokhè de la disruption et la domination par le chaos

  5. Conquête ou salut

CHAPITRE CINQ. Hors la loi 81

  1. Anthropologie dans la disruption

  2. Néguanthropologie de la disruption

  3. Disruption providentielle et « mur du temps », le règke de l'effoi

  4. Philia, différence et ubris (Grec)

  5. L'absence de tous bouquets

  6. Mes études carcérales et l'épokhè de la ma vie

  7. La propédeutique existentielle du alir noétique

  8. La « fin du livre », les mémoires du futur et le « changement d'époque »

  9. Sortir de prison. D'une folie l'autre

  10. Expérience filiale de la véridiction

  11. Lâcheté de l'optimisme et du pessimisme

DEUXIEME PARTIE Folie, anthropocène, disruption

CHAPITRE SIX. Qui suis-je ?113

  1. Je suis Malcom X

  2. Qui sommes-nous ?

  3. 37 Etat d'urgence et philosophie

  4. Economie et politique

  5. Histoire de la folie contemporaine

  6. Cultures, attente, folie

CHAPITRE SEPT. Rêves et cauchemars dans l'Anthropocène133

  1. Songer en veillant -- ou La laitière et le pot au lait

  2. « Tout va mal », Sommeil de la raison et rêves éveillés

  3. Rêver ; faire et agir -- dans l'Anthropocène et au-delà

  4. L'exploitation délibérée de la toxicité et l'incurie systémique qui en résulte

  5. Tout arrive, rien ne se passe

  6. Vides juridiques et vides théoriques

  7. Le totalitarisme technologiquement intégré et la folie comme possibilité néguanthropologique

  8. Folie, réalité et vérité

  9. Ubris et boulèsis

  10. Volonté, désinhibition et dénégation

CHAPITRE HUIT. Morale et désinhibition dans les Temps modernes16351.

  1. L'exosomatisation de la vie de l'esprit, la vie de l'esprit comme exomatisation et la déraison computationnelle

  2. Volonté moderne et désinhibition

  3. Désinhibition et discipline comme conséquences pharmacologique de la rétention tertiaire

  4. Le tragique de l'ubris

  5. De la nécessité de lire et relire aux Xxi e siècle Folie et déraison. Histoire de folie à l'âge classique

  6. Le plus fou

  7. Temps modernes comme « propension à la folie »

  8. De Raskolnikov à la disruption en passant Schumpeter. Défricher sans merci les territoires de la désinhibition

  9. Risques, probabilité et protention. La folie réfléchie

  10. La modernité comme processus de désinhibition réflexive

  11. Descartes et l'Anthropocène. Les pirates et l'argent. Sloterdijk et le mal être

CHAPITRE NEUF. Folie ordinaire, folies extraordinaires199

  1. A propose de « La folie ordinaire du pouvoir »

  2. Ordinaire, extraordinaire, morale, imagination

  3. Le rêve de Descartes et la question de l'impuissance

  4. L'Hyperpouvoir

  5. Folie (à compléter en grec) Derrida tout contre Foucault)

  6. Rêve, structure et totalité

  7. La différance de la folie

CHAPITRE DIX. Le rêve de Michel Foucault 221

  1. Rêver et méditer avec et selon Foucault

  2. Du rêve de Descartes à la bifurcation vers le Néguantropocène

(ubrsi de la philosophie elle-même)

  1. Les sources cartésiennes de la disruption

  2. Foucault, Asclépios et la mort de Socrate

  3. Rêve et anthropologie chez Foucault lecteur de Binswanger

  4. Entropocentrisme et néguanthropologie

TROISIEME PARTIE La démoral_isation

CHAPITRE ONZE. Génération Strauss-Kahn 245

  1. L'effondrement du « monde de vie américina »

  2. Le catastrophique début du XXie siècle dans le monde

  3. Devenir sans avenir . Quand le monde n'a plus de sens

  4. Le moral, la « morale », l'être morale. Déséconomie

  5. « La morale », l'éduction et le crédit

  6. Politique et philosophie morale

  7. Pour l'exemple

  8. L'économie et fonction de la raison au tournant du XXIe siècle

  9. Frasques, fourberies et déchéance

  10. L'épidémie dont Strauss-Khan et sa maladie ne sont qu'un symtôme -- à propos de la philosophie morale

  11. Pathogenèse et philosophie morale

CHAPITRE DOUZE. Trente-huit ans après 283

CHAPITRE TREIZE. Pulsion de mort, philosophie morale et dénégation 319

CHAPITRE QUATORZE. Anticonformisme, « ringardise » et libido sciendi

à l'université 341

CHAPITRE QUINZE. Les blessures de la vérité371

CO N CLUSIO N. Faisons un rêve409

Entretien sur le christianisme447

La faute d'Epiméthée

id : 20211125161533
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type : Livre

1. La faute d'Epiméthée

Introduction générale 21

PREMIÈRE PARTIE

L'INVENTION DE L'HOMME

Introduction 43

Chapitre premier : Les théories de l'évolution technique 51

  1. Histoire générale et histoire des techniques 51

  2. Le système technique 53

  3. Le système technique dans son rapport aux systèmes économique et social 54

  4. Les limites du système technique 55

  5. Rationalité et déterminisme dans le processus de l'invention 56

  6. Invention et innovation 59

  7. L'investissement industriel : une évolution conjointe du système technique, du système économique et de l'appareil d'État 60

  8. L'innovation permanente : un nouveau rapport entre tekhnè et épistémè 63

  9. L'universalité technique 66

  10. Le couplage de l'homme et de la matière 68

  11. Tendance et faits71

  12. Différences ethniques et différenciation technique 74

  13. La géographie comme origine et le génie ethnique comme « devenir unificateur »

  14. Milieux intérieur et extérieur technologiques 81

  15. Les deux aspects de la tendance 84

  16. Le milieu technique comme facteur de dilution du milieu intérieur 87

  17. La permanence de l'évolution 89

  18. L'évolution technique industrielle impose l'abandon de l'hypothèse anthropologique 92

  19. La mécanologie, science du processus de concrétisation de l'objet industriel 93

  20. Génétique de l'objet industriel comme matière qui fonctionne 95

  21. La prédominance de la technologie dans le devenir des sociétés industrielles 99

  22. L'imprévisibilité du devenir de l'objet 100

  23. Mutations, lignées et devenir-naturel de l'objet industrie 103

  24. L'anticipation, condition d'apparition du milieu associé 106

Chapitre deux : Technologie et anthropologie 109

  1. Paradoxes de la question de la technique comme question du temps 109

  2. La question (nous venant) de la technique 112

  3. Le devenir-astre de l'homme et la puissance de l'homme comme autodestruction 115

  4. La technique comme question de l'intervention : ubris et metron, astres et désastres 118

  5. La technologie 121

  6. L'anthropologie 123

  7. De Ménon à Phèdre et jusqu'à Rousseau: la« métaphysique» 127

  8. Rousseau et l'anthropologie 132

  9. Égalité, force, différence 134

  10. Improbabilité de l'origine, voix de la nature (ce que signifie« démêler») et anamnèse du Caraïbe135

  11. Penser avant la création 138

  12. Des pieds et des mains 140

  13. Tout avoir à portée de la main 142

  14. Être tout entier avec soi143

  15. La seconde origine 145

  16. L'intérieur de l'écart : la possibilité 147

  17. La différence est la raison, la raison est la mort, la mort est son anticipation 151

  18. « Franchir un si grand intervalle » 154

  19. Encore la seconde origine 161

Chapitre trois: Qui? Quoi? L'invention de l'homme

1.La différance de l'homme 163

2.Tout commence par les pieds172

3.Avance et retard 174

  1. Squelette, outillage et cerveau 177

5.« Conscience technique » et anticipation 179

6.La double origine de la différenciation technique 184

  1. La maïeutique instrumentale 187

8.Toujours la seconde origine 189

9.Le langage de la presque humanité 194

10.Mémoires de la rupture 199

  1. L'indifférence idiomatique 202

  2. Déjà-là, différance, épiphylogenèse 205

  3. Le qui et le quoi 207

DEUXIÈME PARTIE

LA FAUTE D'ÉPIMÉTHÉE

Introduction 213

Chapitre premier : Le foie de Prométhée 215

  1. L'oubli de l'oublieux 215

  2. La thanatologie : rien sous la main217

  3. Hors de lui 223

  4. Naissance et incertitude 226

  5. Épiméthée: l'idiot 229

  6. « La communauté de ceux qui n'ont pas de communauté »231

  7. Le foie 233

Chapitre deux : Déjà là 235

  1. La condition instrumentale 235

  2. Épimathésis* : la tradition 237

  3. L'unité du savoir et le poids du quoi à-portée-de-la-main 242

  4. Fixer durablement le maintenant 243

  5. Programmes et improbable 246

  6. Savoir et retrait248

  7. Les horloges real time du Blank Geschlecht 251

  8. Fixation et détermination 254

  9. On s'individue 258

  10. Le temps différe de l'histoire de l'être 263

  11. Le prix de l'être 270

Chapitre trois : Le dégagement du quoi 273

  1. L'analyse de la quotidienneté comme dégagement du quoi (première section) 273

1.1. La différance du qui et du quoi 273

1.2. La confusion du qui et du quoi dans la quotidienneté et la préoccupation dans l'être-au-monde comme elpis 275

1.3. La main comme (com)préhension du système des quoi par le qui277

1.4. La conception husserlienne du souvenir et le système des quoi comme renvois 279

1.5. L'oubli é-loignant de Heidegger 284

1.6. La neutralité programmatique du qui 286

1.7 L'outil comme « conscience d'image» 288

1.8 L'(in)souciante idiotie de l'idiome hors de lui et l'article de la mort289

  1. La structure de l'être-en-faute comme engagement dans le quoi (deuxième section)292

2.1 L'être en défaut comme programmation de la suspension possible de tout programme 292

2.2 Les manières de la main et l'infinitude du quoi 295

2.3 La répétition comme rappel - et l'invention de l'autre 298

2.4 Instruments et mains de la science 301

  1. La question de la constitution historique de l'historialité comme nouvelle configuration du quoi (deux derniers chapitres de la deuxième section) 302

3.1 La secondarité du quoi mondo-historial302

3.2. Le nivellement du mondo-historial comme oubli du souvenir tertiaire 304

3.3 L'exactitude du supplément et la restitution306

3.4. Exactitude et possibilité 309

Proposition de vocabulaire [qui est en fait moins pertinente de celle de Fayard]

Anamnèse

Anthropologie

Anthropologie

anticipation

astres

Autodestruction

cerveau

communauté

condition

configuration

conscience

constitution

couplage

création

défaut

désastres

Déterminisme

devenir

différance

elpis

engagement

Épimathésis

Epiméthée

épiphylogenèse

Etat

ethniques

Être

évolution

exactitude

faits

faute

génétique

Heidegger

histoire

histoire des techniques

historialité

Homme

husserlienne

idiome

image

improbable

incertitude

industrie

industriel

innovation

instrumentale

Instruments

Invention

Investissement

langage

maïeutique

mains

manières

mécanologie

Mémoires

Ménon

métaphysique

metron

milieu associé

milieu extérieur

milieu technique

milieux intérieur

mondo-historial

mort

mutations

nature

objet

Penser

Technique

Technologie

Technologie

Tekhné

Temps

Tendance

origine

oubli

Phèdre

possibilité

prix

rupture

programmation

Programmes

question

question de la technique

question de l'intervention

question du temps

qui

quotidienneté

quoi

raison

rappel

répétition

Rousseau

savoir

science

sociétés

soi

retrait

souvenir

souvenir tertiaire

structure

supplément

système technique

systèmes économique et social

thanatologie

tradition

ubris

universalité

La société automatique

id : 20211125162126
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type : Livre

Table des Matières

Introduction. Entropie et néguentropie dans l'Anthropocène 9

  1. Ce qui s'est passé entre les 23 juin et 23 octobre 2008 9

  2. Mettre Paris en bouteille 12

  3. Ce que nous cache Quelle Fran ce dans dix ans ? 14

  4. Entropie et néguentropie dans l'Anthropocène 19

  5. L'accomplissement du nihilisme et l'entrée dans le Néguanthropocène 23

  6. La question du feu et l'avènement de la thermodynamique. 26

  7. L'Anthropocène comme succession de chocs technologiques et le rôle néguanthropique du savoir 29

  8. La smartification 33

  9. Le but du présent ouvrage 39

Premier chapitre. Industrie des traces et foules conventionnelles automatisées 41

  1. L'automatisation des existences 41

  2. La prolétarisation de la sensibilité 43

  3. L'artificialité originelle des traces dans la vie noétique 46

  4. L'industrie des traces. 48

  5. Décision automatique, stupeur, sidération - le « blues du Net ». 50

  6. Le mal-être et la déesse de l'intermittence 53

  7. Des sociétés de contrôle à l'automatisation intégrale (d'Angela Merkel au« clodo du coin ») 55

  8. Crise, métamorphose et stupéfaction 58

  9. Pharmacologie des « big data » 62

  10. L'ultralibéralisme comme désintégration des individus devenant « dividuels » 68

  11. Ce par quoi le monde tient. 70

  12. La capture automatique des expressions comportementales comme formation automatique de nouvelles sortes de « foules conventionnelles » 72

  13. Pharmacologie des milieux associés 77

Chapitre deux. États de choc, états de fait, états de droit. 81

  1. De l'origine commune du droit et de la science à la ruine de la théorie 81

  2. Phénoménotechnique, automatisme et catastrophè 84

  3. Le devoir de tout être non inhumain 88

  4. L'obsolescence commune du scientifique et du soldat à l'époque de l'automation intégrale 91

  5. Inutilité des savoirs et obsolescence de la taxinomie, des hypothèses et des expériences : la force de Google selon Chris Anderson .

  6. Le devenir computationnel de la langue comme standardisation de l'énormité

  7. Fin de la théorie ou nouvel âge des théories ?

  8. Technologie, science, politique et désautomatisation

31.« The Robot Apocalypse » et le véritable sens des révélations d'Edward Snowden

  1. Que faire ?

  2. L'invention du complémentaire

Chapitre trois. La destruction de la faculté de rêver 123

  1. La synchronisation intégrale par les « corrélats en ligne »

35 Les transformations accélérées de la calendarité par l'innovation au service du

capitalisme 24/7 et la liquidation des intermittences

  1. Les intermittences de l'improbable

  2. Le rêve, le fait et le droit

  3. Face au pouvoir de totalisation - le droit et le devoir de désautomatiser en rêvant

  4. Les bases organologiques du sommeil, du rêve et de l'intermittence

  5. Interprétation des rêves et organologie

  6. Contre la naturalisation idéologique de la technique et de la noèse

  7. Pharmacologie de l'intégration fonctionnelle

  8. Transitions et déphasages

  9. Transition, dreaming et transindividuation - vers le Néguanthropocène.

  10. Expression de tendances et folie numérique.

  11. Faits techniques et fin de l'emploi.

  12. La quasi:..causalité du capital lui-même.

Chapitre quatre. Pris de vitesse : la génération automatique des protentions.

  1. Surproduction, anomie et néguanthropie

  2. L'improbable, la technique et le temps

  3. La vérité du numérique et son déni

  4. Rétentions, promesses, protentions

  5. La performativité en temps-lumière comme aplatissement du monde

  6. Gouvernance algorithmique et territoires numériques

  7. La gouvernementalité algorithmique comme transindividuation automatique anor1nativ

  8. Immanence automatique et obsolescence des catégories

  9. Le gouvernement automatique

  10. La puissance imperturbable de la gouvernementalité algorithmique et l'improbabilité du défaut qu'il faut dans l'incessant

  11. Immanence et perturbation - éliminer les ratés

  12. L'époque de l'absence d'époque et les malappris que nous sommes

  13. L'incapacitation (dys)fonctionnelle et le vide juridique

Chapitre cinq. Dans le Léviathan électronique en fait et en droit

  1. Disparition et signification

  2. Ordres et désordres de grandeur

  3. Information et savoir

  4. Tous ne s'appellent Personne. Platitude et verticalité dans le Léviathan électronique

65. Macro-politique des reliefs

  1. La déprolétarisation comme désautomatisation

  2. Herméneutique du Léviathan

  3. Organologie de la jurisprudence

  4. Individuations collectives, systèmes sociaux et jurisprudence : herméneutique

  5. Du Web sémantique au Web herméneutique

  6. La pensée de Simondon déréalisée par sa concrétisation algorithmique - où le temps est pris de vitesse

  7. Les disparitions de l'improbable et leur dissolution rhizomatique

  8. Le droit commun, le travail, le savoir

Chapitre six. À propos du temps disponible pour la génération qui vient 281

  1. Droit, travail, salaire. 282

  2. Organologie de la prolétarisation.286

  3. La réinvention du travail.295

  4. Mains, œuvres, cerveaux298

  5. La contradiction fondamentale de la gauche quant aux questions du travail, de son statut, de son partage et de son temps

+-----------------------------------------------------------------+---+ | 79. Travail aliéné et travail libéré | | +=================================================================+===+ | 80. Temps disponible et travail libre | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 81. Temps libre, tiers-secteur et économie sociale et | | | solidaire | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | Chapitre sept. Énergies et puissances au XXIE SIÈCLE | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 82. Énergie et puissance après la « mort de Dieu » | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 83. Contre l'omerta | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 84. Emploi, savoir, richesse | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 85. Otium, valeur et néguentropie | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 86. Le temps de la richesse | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 87. Le déclin de la division du travail | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 88. Ergologie et energeia : le travail comme activité noétique | | | et la double économie d'énergie | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 89. La nouvelle valeur du travail comme science ouverte | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 90. Le travail de noèse et la philosophie populaire | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 91. La puissance du calcul | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 92. Deux formes d'énergie | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 93. Travail et physique | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 94. Énergie libidinale et soin. | | +-----------------------------------------------------------------+---+ | Chapitre hu | | | it. Par-dessus le marché {#chapitre-huit.-par-dessus-le-marché} | { | | ----------------------------------- | # | | | s | | | e | | | c | | | t | | | i | | | o | | | n | | | - | | | 2 | | | } | +-----------------------------------------------------------------+---+ | 95. Organologie d'un droit positif à l'interprétation | | | | | | 96. Par-dessus le marché - le miel et les revenus de la | | | pollinisation noétique | | +-----------------------------------------------------------------+---+

  1. Subsister pour exister par ce qui consiste

  2. Organologie de l'Anthropocène et « opium du peuple »

  3. Le revenu contributif del'intermittence ;

  4. Organologie de la spéculation

  5. La thérapeutique comme néguanthropologie

Conclusion. La pollinisation noétique et le Néguanthropocène.

  1. Tracéologie sommaire de l'architecte

  2. Tracéologie son1maire de l'abeille, de la fourmi et de Yann Moulier-Boutang ,

l04. La ruche noétique

  1. Devant l'immense. La respublica numérique et la question éditoriale. ,

  2. Le nouveau système des objets •

  3. Ce en quoi le travail consiste dans le Néguanthropocène •

  4. Intermittence noétique et potlach cosmique

La Technique Et Le Temps Tome T.2 La Desorientation

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LA TECHNIQUE ET LE TEMPS TOME T.2 LA DESORIENTATION

Introduction 315

Chapitre premier : L'époque orthographique327

  1. Orthographe, orthothèses et photographie327

  2. La certitude photo-graphique comme conjonction de passé et de réalité329

  3. La conjonction comme ça-a-été photo-graphique330

  4. Histoire et narcissisme332

  5. Horloges à voir, miroirs à retardement et mélancolie objective333

  6. L'innomable334

  7. Exactitude, incertitude et différance335

  8. Intervista du moteur immobile de tout mouvement336

  9. L'image orpheline du passé de personne339

  10. Entre Écho et Narcisse - l'impersonnalité en personne340

  11. Pandora, la fonction de méconnaissance du tain et l'orthopédie341

  12. Prix de l'être, course de la pensée, christologie, cristallographie343

  13. L'accident de l'Occident, ou le paradoxe du supplément 344

  14. La pensée de la technique et le rapport à l'avenir347

  15. Orthotès et aletheia349

  16. L'intentionnalité orthographique 351

  17. L'orthothèse, condition de possibilité et d'impossibilité de la réactivation 353

  18. Orthographe, communautisation, polis355

  19. Le souvenir tertiaire, condition d'impossibilité du dépassement de la finitude

rétentionnelle et organon du temps358

  1. Le passage protohistorique359

  2. Génies et miracles360

  3. Naissance, conception, science364

  4. De la nécessité d'aider la mémoire367

  5. Du contexte370

  6. Le principe de l'orthographie et l'histoire de l'être375

  7. Aujourd'hui378

a. Aujourd'hui le redoublement épokhal378

b. Aujourd'hui la décontextualisation comme déréalisation de l'espace et du temps379

c. Aujourd' hui le « temps réel » 380

D ; Aujourd'hui la textualité du qui 382

Chapitre deux : Genèse de la désorientation 385

  1. La finitude rétentionnelle et le dynamisme du quoi 385

  2. Devenir ethnique, supports de mémoire et écriture de programmes390

  3. Époques et programmes391

  4. La sélection comme double redoublement épokhal : programmes, identités et différences 393

  5. « Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée ? » - S'orienter dans le déjà-là 398

  6. Programmes et esthétique 402

  7. La marque du style et les programmes de l'improbable 405

  8. Passion de l'espace et du temps, tendance technique, rythme 408

  9. La vitesse, les programmes et le rythme 410

  10. Habitat, tendance technique et décommunautisation 412

  11. Du mythogramme à l'orthogramme, vitesse et pensée 414

  12. Le nouvel écar416

Chapitre trois : L'industrialisation de la mémoire 419

  1. La synthèse industrielle de la finitude rétentionnelle 419

  2. L'informatique 423

  3. La télématique 425

  4. Réseaux, pouvoirs, savoirs 428

  5. Informatique et écriture 431

  6. L'appareil analogico-numérique 434

  7. L'événementialisation 437

  8. « Temps réel », événement et Histoire 441

  9. Temps réel et politique 446

  10. Supports, duplications, traitements, archivations 450

  11. La décommunautisation 453

  12. Information et savoir 458

  13. La vitesse, l'urgence, le risque 462

  14. Mémoire et politique 468

  15. La synthèse biologique: quand faire c'est dire 474

  16. Les sciences de la« cognition » 489

  17. La question des identités différantes : qui programme quoi? 506

Chapitre quatre : Objet temporel et finitudrétentionnelle

519

  1. Intentionnalité, conscience d'image et finitude de la « cognition »519

  2. L'origine dans Leçons sur le temps dans les Recherches logiques522

  3. Analyse phénoménologique du Zeitobjekt et découverte de l'intimité du Passage

dans l'immanence de la Zeitbewujbtsein 530

  1. Association originaire, maïeutique et épirnétheia 534

  2. Mécanique des fluides et dynamique du flux: l'individuation du son et la métaphore de l'espace540

  3. Passage, Zeitobjekt*,* tête-à-queue 544

  4. Héritage 549

  5. L'écho du machin de la machine de Turing 553

  6. L'Augenblick de l'horloge à voir 555

  7. Conscience d'image, perte de mémoire et liberté de re-commencer 556

  8. La reconstitution, le renvoi du phonogramme comme Zeitobjekt analogique, le pied 558

  9. L'événementialisation comme faillibilité effective de la rétention561

  10. Défaillance et rétro-spection comme possibilité différée du qui comme Nous563

  11. Le montage du flux565

  12. Histoire, rétroactivité des attentes et temps différé567

  13. Unité primaire-secondaire du flux du vécu et avoir-été tertiaire du non-vécu568

  14. Le dilemme de la phénoménologie 569

  15. L'épimétheia géo-métrique de L'Origine...571

  16. La différance technologique574

  17. Les objets temporels des industries de programmes578

,

Lecture (industrielle)

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La lecture est une technique de soi, et la finalité d’une lecture réside dans cette technique de soi. Comme Michel Foucault, nous insistons sur le lien entre lectio et meditatio, lien passant nécessairement par l’écriture de soi. Dès le Moyen-âge précoce, la lecture fut comprise comme epimeleia (soin, gouvernement), soit comme discipline, exercice, étude, méditation.

Le concept de « lecture industrielle » a été forgé par Alain Giffard. Google est, par exemple, une industrie de lecture, un marché « double-sidded » : échange d’informations sur les lectures contre des informations sur les lecteurs, échange d’informations sur les lecteurs contre de la publicité. Le web, réseau de textes, est aussi un réseau de lecture, c’est une technologie de lecture : utiliser un moteur, c’est simuler l’activité d’un bibliothécaire ; personnaliser son navigateur, c’est imiter le journaliste devant son dossier de presse ; stocker des centaines de textes sur son disque dur, c’est simuler le travail du documentaliste, etc. Le risque est que le lecteur mette en œuvre des traitements automatisés correspondant à des compétences de lecture qu’il ne possède plus. L’objectif de produire une technologie de lecture n’a pourtant jamais été sérieusement poursuivi par les industries de l’information, ce qui conduit à cette situation étrange d’une pratique technique sans technologie, ou une technologie par défaut.

Sept activités peuvent caractériser la lecture numérique : la navigation, le marquage, la copie, la prospection, l’annotation, la mémoire et la publication. La lecture numérique, en tant qu’elle se distingue de la lecture imprimée, n’est donc pas simplement une lecture à l’écran, c’est d’abord une lecture hypertextuelle[2]. Le lecteur devient l’opérateur qui met en œuvre les virtualités du texte numérique, ce pourquoi il y a autant de textes que de versions de lectures. Cependant, le risque est grand de se perdre dans ces liens, et surtout, malgré tous ses mérites, le web est le lieu d’une fausse symétrie : le lecteur lit des textes, voire des hypertextes, sans pouvoir créer ses propres parcours.

La lecture numérique est actuellement plus propice à lecture d’information plutôt qu’à la lecture d’étude. Ce qui distingue la seconde de la première n’est pas tant son activité ou son intensité, que sa finalité : la lecture d’étude est une culture de soi.

La grande différence entre l’espace de la lecture classique et celui de la lecture numérique est l’absence presque totale du rôle direct d’une puissance publique dans l’institution du lecteur. De cette absence résulte le risque d’une lecture sans savoir-lire, une lecture-consommation. La lecture ne réactualisera son sens originel de legere (ramasser, recueillir, parcourir, relier), sans une politique industrielle publique.

Marketing

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L’individu ne consomme les produits industriels qu’en méta-consommant, si l’on peut dire, des machines à sonder et à façonner des comportements. Le marketing désigne précisément le fait que, dans la consommation, le produit consommé est paradoxalement devenu secondaire. Lorsque l’Etat use des mêmes méthodes et des mêmes fins que le marché, on peut parler d’un Empire du « management ».

Marx a pu écrire : « Ce n’est pas seulement l’objet de la consommation, mais aussi le mode de consommation qui est produit par la production »[1] ; en écho Lazzarato a pu écrire : « En renversant la définition marxienne on pourrait dire : le capitalisme n’est pas un mode de production, mais une production de modes »[2], c’est-à-dire qu’il ne crée pas tant des choses que des mondes, des manières, soit des milieux – en l’occurrence, dissociés

Le marketing publicitaire matraque : c’est là son premier principe. Il n’informe pas tant (adverstising) qu’il incite : c’est une technique d’incitation à un comportement, soit une psychotechnologie. Cette technique façonne un monde de services où les consommateurs ne produisent plus rien de ce qu’ils consomment – sinon comme prolétaires qui ignorent tout des conditions de leurs propres productions. Comme prolétaires, ils ont perdu le savoir de leurs propres productions : ce savoir est passé dans la machine de production.

Pour comprendre cet impouvoir qui se nomme « pouvoir d’achat » – histoire indissolublement psychique, sociale et technique –, il convient de se remémorer qu’il n’existe pas de pouvoir d’achat sans pouvoir de propagande, aujourd’hui nommé marketing (cf. Edward Bernays[3]). Le but ultime du marketing fut ainsi résumé :

Nous devons faire passer l’Amérique d’une culture des besoins à une culture du désir. Les gens doivent être entraînés à désirer, à vouloir de nouvelles choses, avant même que les anciennes aient été entièrement consommées[4].

Après la naissance du marketing (Ernest Dichter, Louis Cheskin), il est clair que le but n’est plus de former et d’exploiter des producteurs, mais de contrôler des comportements de consommateurs. Depuis les années 50-60, l’enjeu est d’assurer moins la production que la vente et la consommation des biens produits par un appareil structurellement en surproduction – les groupes industriels, devenus mondiaux, visant explicitement à s’assurer le contrôle comportemental des individus, c’est à dire leur esprit, leur désir, leur identité.

La publicité distrait, au sens pascalien du terme. Elle est la propagande de distraction qui soutient notre capitalisme. Le propos de Patrick Le Lay, PDG de TF1, fera date pour sa lucidité cynique : « Mon travail est de vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola[5] ». Il s’agit bien de distraire l’esprit pour capter son attention vers la consommation. « L’homme distrait, remarquait Benjamin, est tout à fait capable de s’accoutumer[6] ».

[1]Marx, Contribution à l’économie politique, Éditions sociales, 1968, p.156. [2]Lazzarato, « Les Révolutions du capitalisme », http://seminaire.samizdat.net/Les-Revolutions-du-Capitalisme.html [3]Le père des « relations publiques », c’est-à-dire selon ses propres mots de la « propagande en temps de paix », baptisa son inventions engineering of consent. Bernays, pourrait-on dire, c’est du Gustave Lebon (et sa psychologie des foules) accompagné d’Ivan Pavlov (et ses réflexes conditionnés). Cf. E. Bernays, Propaganda, Horace Liveright, New York, 1928, et le très bon documentaire d’Adam Curtis, « The Century of the Self », BBC (consultable en ligne). Sur ce sujet on pourra lire, par exemple, Vance Packard, La Persuassion clandestine, Calmann-Lévy, 1958. [4]Paul Mazur, cité par Al Gore, La Raison assiégée, Seuil, 2007, p. 103 [Mazur, associé d’Edward Bernays, était un grand banquier de Wall Street (Lehman Brothers)]. [5]« Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective 'business', soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. […]. Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible. […]. Rien n'est plus difficile que d'obtenir cette disponibilité. C'est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l'information s'accélère, se multiplie et se banalise […]. La télévision, c'est une activité sans mémoire. Si l'on compare cette industrie à celle de l'automobile, par exemple, pour un constructeur d'autos, le processus de création est bien plus lent ; et si son véhicule est un succès il aura au moins le loisir de le savourer. Nous, nous n'en aurons même pas le temps ! […] Tout se joue chaque jour sur les chiffres d'audience. Nous sommes le seul produit au monde où l'on 'connaît' ses clients à la seconde, après un délai de vingt-quatre heures. » Patrick Le Lay, Les Dirigeants face au changement, Éditions du huitième jour, 2004.

[6]Walter Benjamin, « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique », Œuvres III, Gallimard, p. 109

Mecreance Et Discredit tome 1

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l. LA DÉCADENCE ET LES OBLIGATIONS QU'ELLE NOUS CRÉE

  1. La décadence politique des démocraties est une crise _du modèle industriel 15

  2. La construction américaine du capitalisme culturel et le suivisme européen 20

  3. Adoption, technologie et puissance publique en Amérique 24

  4. Les motifs du devenir et la constitution européenne 28

  5. La politique industrielle doit devenir une politique culturelle des technologies de l'esprit 34

  6. Petite genèse de la stratégie américaine du multimédia 39

  7. La troisième révolution industrielle doit être culturelle 42

  8. La tâche de l'Europe dans la division de l'Occident et l'individuation mondiale 45

  9. De la construction au processus : lutter contre l'addiction 48

  10. La honte politique 54

  11. La consistance de la vita activa 59

II. CROYANCE ET POLITIQUE À L'ÂGE CAPITALISTE

  1. Le capitalisme est une époque spécifique du processus occidental de grammatisation 63

  2. Capitalisme et croyance 69

  3. Temps et calcul à l'âge capitaliste 72

  4. Le combat dans le capitalisme, le capitalisme comme combat, le combat contre le totalitarisme capitaliste, et la question du meilleur (ariston) 75

  5. Le pire et le meilleur à l'époque du nihilisme comme questions de la guerre et de la lutte des classes 80

  6. La technicité de l'existence, le ressentiment et l'affirmation comme combat 82

  7. Opposition, composition et décomposition dans le jeu du monde 88

  8. L'aporie du capitalisme 91

  9. « Souviens-toi que le crédit, c'est de l'argent. » L'esprit du capitalisme comme calculabilité du service à Dieu et mesure du temps de l'occupation, ou negotium, ou fa naissance du capitalisme comme comptabilité du temps 95

  10. L'institution de la « confiance absolue » dans l'innovation comme liquidation de la croyance 101

  11. De l'art de vivre, tekhnè tou biou, à l'expertise comptable : les hypomnémata comme technologies de « gouvernement de soi et des autres » 117

  12. Constitution de soi et constitution européenne 115

  13. « In God we trust» : belief et trust dans « l'éthique de fa besogne» 120

  14. Subsistance, existence et consistance 125

Ill. L'OTIUM DU PEUPLE

  1. Le renoncement postmoderne et le sursaut quantique 133

  2. Passage à l'acte, volonté et puissance 138

  3. Paresse politique, paresse de l'esprit et « société des loisirs » 140

  4. La « société des loisirs » est un leurre qui masque l'extension de

fa prolétarisation au consommateur 143

  1. Capitalisme, économie libidinale et « misère psychologique de masse » 147

  2. La culture comme transmission de rétentions secondaires collectives 152

  3. Otium et negotium 157

  4. Note sur Hannah Arendt : otium et vita activa 161

  5. La culture de l'exception comme règle 165

  6. L'économie politique des singularités 199

IV. VOULOIR CROIRE. Aux MAINS DE L'INTELLECT

  1. La foi de la régression : n'être que par intermittences 176

  2. « Faire droit, si c'est possible, pour autant que c'est possible, à une autre expérience de la singularité 183

  3. Le système des suppléments et ses puissances d'individuations 187

  4. Plaidoyer pour de petits récits rationnels 191

  5. La fiction et la main 193

  6. La noèse comme motricité et la reproduction du mouvement comme consistance aussi bien que comme irrationalité de la grammatisation dans le n'être que 196

La politique comme lutte contre le renoncement aux timiôtata 198

La prolifération des hypomnémata et l'âme noétique comme mouvement technique de la chair

  1. Par défaut 201

  2. Vouloir et pouvoir sa blessure ; c'est-à-dire son défaut, c'est­ à-dire son désir - ou la supplémentarité de l'âme comme susceptibilité 207

  3. La poule et l'œuf 210

Mecreance Et Discredit tome 2

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Introduction 13

  1. LE DÉSESPOIR ET L'IMPUISSANCE DU RATIONNEL

  1. Impuissance du rationnel et ruines de la confiance 29

  2. Irrationalité de l'hyperpuissance et rationalité de la justice. Le cercle vicieux 32

  3. Justice et désir 36

  4. Droit et culpabilité. Les épousailles de la Bêtise et du Ressentiment 38

  5. La désindividuation dans les sociétés de contrôle comme liquidation du surmoi et règne de la bêtise 41

  6. Éthique et morale 43

  7. Composition et décomposition (ptôsis : déclin, débandade) de l'économie libidinale : le règne du cynisme 45

  8. Justice et économie politique 46

Il. LE COMPLEXE D'A NTIGONE

Une introduction dans la jeunesse

à l'attention de ses aînés et de leurs représentants dans les Assemblées élues et au Gouvernement français

  1. La politique comme critique du surmoi et forme sublime de la transgression 53

  2. Archaïque ou critique. Jeunesse, hypomnésis et autorité du meilleur dans la république 55

  3. Antigone, la confusion des générations, l'autorité et « le plus terrible des enfants » 58

  4. Du Paris-Bonheur à la blank generation 63

  5. L'orphelinat désespérant des générations « sacrifiées ». Misère symbolique et misère économique 65

  6. Les témoins du désespoir. Société suicidaire et politique de la terreur 72

III. MISÈRE SPIRITUELLE ET RAISONS D'ESPÉRER

  1. Le surmoi comme nécessité de l'être-par-défaut (l'être-par­ intermittences), et le défaut de surmoi. Des sociétés de contrôle aux sociétés incontrôlables 79

  2. Identification, singularisation et sublimation 82

  3. Des sociétés de contrôle de l'identification aux sociétés incontrôlables de la désublimation. Le mécanisme infernal 86

  4. Para-suicides et comportements à risques. Le règne du désespoir dans l'organisation suicidaire de la société 91

  5. La transformation de l'esprit par le contrôle du « système perception-conscience » et le système de la terreur 94

  6. Croyance et désir 98

  7. Prendre soin de la « valeur esprit » 100

  8. De la misère spirituelle 107

  9. De la raison comme raison d'espérer 111

IV. L'INDIVJDU DÉSAFFECTÉ

dans le processus de désindividuation psychique et collective

  1. L'hypermarché 117

  2. Intoxication, désintoxication 121

  3. Désaffection et désaffectation 124

  4. Turbulences 130

  5. De la psychopathologie à la sociopathologie 136

  6. La culpabilisation des parents et des enfants est un écran de famée qui dissimule les questions d'économie politique industrielle et conduit à la camisole chimique 138

  7. Manques d'attentions - ou la toxicomanie comme modèle social 142

31. De l'émoi et des diverses façons par lesquelles les individus désaffectés tentent de retrouver le sentiment d'exister 149

  1. Espérance et désespérance 151

  2. Eternité et temporalité, ou Je et nous 154

  3. La résurrection dans l'amour et l'amour religieux comme pratiques 158

  4. Désespoir et politique du mystère comme désublimation. La liquidation du surmoi 160

  5. La perte d'individuation psychique et collective est la perte de « l'esprit du capitalisme » et mène aux communautarismes 163

  6. Le populisme industriel engendre une société incontrôlable hantée par l'esprit de martyr, et le combattre est la priorité politique absolue 166

38. Esprit, surmoi et politique 169

  1. La vie de l'esprit comme transgression. De l'acte suicidaire à l'acte noétique 175

Mecreance Et Discredit tome 3

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Introduction 11

l. SOCIOPATHOLOGIE DE 1968

  1. Le paradoxe du surmoi dans les transformations du capitalisme 18

  2. La question de l'esprit est celle du nous 21

  3. Savoirs et surmoi. Vers un nouvel esprit du capitalisme 26

  4. Technicité, hostilité contre la civilisation, et intermittences du passage à l'acte noétique 29

  5. La crise du capitalisme comme « désarroi idéologique » et comme crise de l'esprit après mai 1968 31

  6. « Critique artiste » et « critique sociale », ou le jargon de l'authenticité 35

  7. La récupération des « idées de 68 » par le capitalisme français et la mise en place de la société de contrôle 41

  8. Digression sur les prédictions météorologiques chez les Indiens d'Alaska 44

  9. Faux problèmes intéressant l'action 49

  10. Authenticité et singularité. Le fantasme et l'oubli de ce qui n'existe pas 53

  11. Supports et rapports de production 57

Il. L'AUTOMATISATION DU SURMOI

et le passage du désir en tant que détournement originel de l'énergie libidinale

  1. L'historicité des catégories psychanalytiques et l'illusion du désir comme état de nature 66

  2. De la psychopathologie à la sociopathologie 69

14. Contradictions du marxisme et du freudisme de Marcuse à propos de la lutte (éris) face au risque de la décomposition. Aller au-delà de la culpabilité 72

  1. Technique, surmoi et désublimation 74

  2. Processus d'adoption et détournements de libido : Marcuse et la baisse tendancielle de l'énergie libidinale 76

  3. « Libération des instincts », technèse et passage du désir -à coups de couteau 80

  4. Le meurtre du père, l'ouverture du temps, la culpabilité et « l'instant de ma mort désormais toujours en instance » 83

  5. Détournements et décompositions 89

  6. L'automatisation du surmoi 96

  7. L'opposition de Narcisse à Prométhée 99

  8. Ontologie et principe de réalité 102

  9. L'écologie libidinale 107

Conclusion

  1. Intoxications, interdictions, soins 113

  2. La lutte pour la vie de l'esprit 117

  3. Consistance de la santé et autorité de la puissance publique : la liberté de l'esprit 121

Mécroissance

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Il semblerait que depuis les années 1970, nous autres les riches, c’est-à-dire nous autres pour qui le mieux n’implique pas le plus, avons soudain réalisés que croissance ne voulait pas dire épanouissement. Cependant, il ne s’agit pas d’en appeler à la décroissance, surtout pas lorsque l’humanité croît, mais plutôt de lutter contre lamécroissance.

La mécroissance est la perte d’investissement des entrepreneurs, la perte de savoir-faire des producteurs et la perte de savoir-vivre des consommateurs. La mécroissance désigne corrélativement un malaise que nous ressentons tous : plus la croissance croît, plus ce malaise augmente. Ce malaise commence peut-être avec cette devise : In God we trust, dit le dollar...et non In God we believe[1]. L’esprit du capitalisme est ce qui substitue la confiance (trust) à la croyance (believe), mais telle que cette confiance n’est plus accordée qu’à ce qui est calculable. La croyance est devenue un pari financier, dont les technologies informatiques régissent les indicateurs de confiance. La mécroissance c’est aussi cela : ne croire qu’en ce que l’on peut calculer. Qui croit encore qu’une reprise de la bourse annoncera la fin de la crise ?

La crise du capitalisme est d’abord le fait de ses propres *contradictions* (Marx). Il y a trois

limites structurelles au capitalisme :

	1. First item
	1) *la baisse tendancielle du taux de profit*[2], qu’aujourd’hui on qualifierait plutôt de
	*désinvestissement financiarisé*, soit l’accaparement, par la finance, du désir 
	d’investissement qui appartenait à la production industrielle ;

	2. Second item
	2) *la baisse tendancielle de l’énergie libidinale*, c’est-à-dire la démotivation
	généralisée, celle du consommateur dont le désir est industriellement exploité, celle 
	du producteur prolétarisé et dissocié de son milieu qui n’est plus le lieu de son travail 
	mais de son emploi, et celle des investisseurs eux-mêmes qui sont devenus des
	spéculateurs, soit des capitalistes qui ne croient plus à l’investissement à long terme ;

	3. Third item
	3) *le passage aux limites* qui détruit le système de l’intérieur, soit l’augmentation 
	surexponentielle des externalités négatives[3].

Au stade actuel d’une crise qui semble bien être terminale, nous posons comme un point de méthode que la question qu’il s’agit de trancher est moins celle de savoir si le capitalisme est arrivé à sa fin que celle de faire émerger un nouveau modèle industriel – sur la base duquel le capitalisme sera peut-être voué à disparaître en effet. Ce qui est révolu n’est pas tant le capitalisme – comme mode économique et politique de production industrielle, à l’encontre duquel il n’y a pas à ce jour de véritable théorie critique de cette économie politique, ni donc de véritable pratique de cette théorie, c’est à dire : de praxis – que son stade consumériste lorsqu’il atteint son terme, à savoir : le stade pulsionnel du capitalisme.

[1]Nous savons depuis Max Weber que le capitalisme a transformé le type de fidélité qui structurait la société occidentale – fondée sur la foi propre à la croyance occidentale – en confiance entendue comme calculabilité fiduciaire. [2]La baisse tendancielle du taux de profit est un point compliqué de l’exégèse marxienne, discuté au sein d’Ars Industrialis. La définition du profit par son seul rapport au travail se révèle aujourd’hui caduque [cf. Principes d’une critique de l’économie politique, La Pleiade, 1968, p.269]. Cette baisse tendancielle des taux de profit n’empêche pas une hausse tendancielle des prix des actifs financiers et des biens immobiliers. Ceci dit Marx et Engels savaient bien que le capitalisme tend vers sa limite à partir du moment où la part du travail, c’est-à-dire du capital variable, diminue dans l’économie globale de la production en raison même des gains de productivité. [3]Sur ces passages aux limites, cf. René Passet, L’Économique et le vivant, éditions Économica, 1996.

Milieu (dissocié et associé)

id : 20211124114700
dernière édition :
type : Vocabulaire

« Milieu ». Le « milieu », dans son usage le plus commun, est à la fois ce qui est autour de l’individu (environnement) et entre les individus (medium). Les deux sens du terme de milieu se rejoignent dans une philosophie de l’individuation selon laquelle, pour comprendre la relation de l’individu et de son milieu, il faut partir du mi-lieu de cette relation, c’est-à-dire au point où ni l’individu ni le milieu ne sont encore constitués. Le milieu n’est donc pas, à proprement parler, extérieur à l’individu : il en est le complémentaire, à ce titre il n’est pas l’environnement[1].

« Milieu technique ». En France, le concept de « milieu » date de l’époque d’Auguste Comte, mais le concept de « milieu technique » naîtra un siècle plus tard à l’époque d’André Leroi-Gourhan et Georges Friedmann. Ce dernier en appelait à la responsabilité de l’Etat dans « le façonnement (dès l’enfance) des individus par l’éducation, mais aussi par le milieu technique et en particulier par les communications de masse ? »[2]. Ailleurs, Georges Friedmann écrivait : « L’analyse physiologique et psychotechnique détaillée du travail à la chaîne (pris comme exemple) montre en celui-ci d’abord un fait technique, à travers le fait technique un fait psychologique, à travers le fait psychologique, un fait social »[3]. En quelque sorte, l’œuvre actuelle de Bernard Stiegler, se situe directement dans cette thématique, mais en l’appliquant aux industries culturelles. Or c’est bien le concept de « milieu », qui leur permet de penser ensemble le technique, le psychique et le social.

Si la technologie est une science humaine (Haudricourt), c’est bien que la technique est notre milieu. Tout geste (du plus banal au plus rare) s’effectue dans un milieu technique qui le rend possible, or tout milieu technique comporte de la mémoire. La technique comme milieu s’accompagne d’une pensée de l’individuation au mi-lieu : l’être humain s’individue au mi- lieu, entre l’extériorisation des organes et l’intériorisation des prothèses.

Pour Bernard Stiegler, la technique comme milieu cela signifie deux choses : d’une part, cela désigne le défaut d’origine, c’est-à-dire l’origine qui est toujours déjà au milieu du commencement et de la fin, du passé et du futur ; d’autre part, cela désigne ce mouvement qui, partant du milieu, désigne aussi bien l’intériorisation de l’extérieur, que l’extériorisation de l’intérieur. C’est à partir du processus d’extériorisation de Leroi-Gourhan (extériorisation sans intériorité préalable, puisque celle-là n’ex-iste que par celle-ci), et à partir du milieu associé de Simondon (milieu sans individualité préalable, puisque l’individu et le milieu co- naissent en même temps), qu’il est possible de comprendre le milieu stieglerien. Ce milieu nomme aussi bien un mi-lieu, et celui-ci nomme aussi bien le tiers terme, ce troisième lieu, ni phusis ni tekhnè (comme le milieu techno-géographique simondonien), ni intérieur ni extérieur (comme le milieu d’extériorisation leroi-gourhanien). Le mi-lieu signifie ainsi l’espace transitionnel, ni dedans ni dehors, qui n’est précisément pas un simple intermédiaire (Winnicott).

Le milieu technique a ceci de singulier pour l’homme qu’il a la possibilité d’être associé ou dissocié : c’est un milieu pharmacologique.

Milieu associé/milieu dissocié. Ars Industrialis emprunte à Simondon le concept de « milieu associé » pour analyser l’individuation collective en quoi consiste toute société humaine, de telle sorte à ce que l’histoire de l’individuation humaine y apparaisse comme indissociable de l’histoire de l’individuation technique.

Simondon parle de « milieu associé » à propos de l’individuation technique (cf. Du mode d’existences des objets techniques). Simondon définit l’individu technique doté d’un milieu associé à travers le fonctionnement de la machine qui contribue à la production de son milieu qui rend possible son fonctionnement. Dans cette optique, l’individu technique est ce qui transforme l’environnement en milieu technique associé (comme la turbine de Guimbal transforme la mer et ses marées en milieu technique de fonctionnement). Si le terme de « milieu associé » est emprunté à Gilbert Simondon, le terme de « milieu dissocié » fut forgé par Bernard Stiegler. Dans les termes de Simondon, on dira que dans un milieu associé, l’individu psychique s’individue en co-individuation avec un ou plusieurs autres individus psychiques, ce qui constitue une individuation collective, pour autant qu’ensemble ils contribuent à individuer leur milieu (technico-symbolique). Dans un milieu dissocié, l’individuation du milieu technico-symbolique se fera au contraire aux dépens des individus psychiques (et par l’intermédiaire de bureaux d’étude, de cabinets de conseil et autres « experts »), qui s’en trouveront donc désindividués.

Un milieu techno-symbolique vous est associé s’il est le medium et le vecteur de votre individuation, celle-ci n’étant possible que parce que ce milieu associe des individus. Au contraire, un milieu est dissocié s’il n’aide pas à votre individuation, si vous ne contribuez pas à votre milieu. Les milieux symboliques furent dissociés par l’application aux échanges symboliques du modèle industriel – à travers les industries culturelles. Comme ce modèle oppose producteurs et consommateurs, il aboutit à spécialiser les uns dans le rôle d’émetteur de symboles et les autres dans le rôle de consommateurs de ces symboles. Cette dissociation des milieux s’accentua avec l’économie des services qui repose sur le contrôle, par les concepteurs du service, du comportement des consommateurs ou utilisateurs.

La nouveauté du réseau internet en tant que milieu technique, par contraste avec la télévision par exemple, est qu’il ne constitue pas un milieu structurellement dissocié. Telle est la raison pour laquelle internet rend possible l’économie contributive, typique du logiciel libre. Il n’y a plus dissociation des producteurs et des consommateurs, mais association des destinataires et des destinateurs produisant une nouvelle forme de socialité et un nouvel esprit du capitalisme.

[1]Nombreux sont ceux qui ont théorisés cette distinction entre l’environnement et le milieu (entre autres, Uexküll, Goldstein, Merleau-Ponty, Canguilhem, Simondon). [2]Georges Friedmann, Sept études sur l’homme et la technique, Paris, Gonthier, 1966, p. 201. [3] Georges Friedmann, Problèmes humains du machinisme industriel, Paris, Gallimard, 1946, p. 357

Mineur et majeur

id : 20211124121340
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type : Vocabulaire

Dans un texte très célèbre (Qu’est-ce que les Lumières ?, 1784), Kant définit l’esprit des Lumières comme la sortie hors de l’état de minorité, ce qui implique de se libérer de toutes tutelles. Est mineur celui qui délègue sa responsabilité (celle de sa pensée, celle de son soin) à des autorités (le maître, le prêtre, le médecin... ou la télévision). Est majeur celui qui prend soin des mineurs (y compris de sa propre part restante de minorité) pour les élever vers la majorité, vers l’usage critique et public de sa raison.

Le malaise de notre époque est que les mineurs y sont traités comme des majeurs (ce que révèle la récente loi sur la récidive des mineurs), tandis que les adultes s’y comportent comme des mineurs (ils délèguent leur responsabilité bien facilement). Traiter les mineurs comme des majeurs, c'est nier la différence entre les générations. Le seul et véritable « remède » à la délinquance n'est ni la répression ni même la prévention seulement sociale : il suppose de reconstituer ce qui a été détruit par le consumérisme, à savoir les appareils sociaux (les institutions) de transformation des pulsions en investissements, c’est à dire en énergie libidinale, par exemple à travers ce que Freud nommait l'« identification primaire »[1]laquelle est précisément détournée par les industries culturelles captant d'une part l'attention des enfants et organisant d'autre part la régression de leurs parents au statut de consommateurs pulsionnels.

Comme Patrick Le Lay qui revendiqua le cynisme systémique qui constitue le principe de fonctionnement des industries culturelles, la chaîne Canal J a explicitement revendiqué ce détournement de l’identification primaire, en ridiculisant sur une affiche publicitaire un père et un grand-père aux yeux de leur enfant, par la télévision qui est amenée à les remplacer.

[1]L’identification primaire est un terme freudien, par lequel on nomme l’identification de tous les jeunes enfants à leurs parents, identification qui est la condition de l’intériorisation de l’idéal du moi parental, et donc de constitution d’un surmoi. Pour que l’identification primaire fonctionne il faut, au minimum, préserver la différence entre le statut de mineur et le statut de majeur.

Misère (symbolique)

id : 20211124122043
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type : Vocabulaire

La misère n’est pas seulement matérielle mais symbolique, et chacun sait qu’une richesse matérielle peut être accompagnée d’une misère symbolique. La misère matérielle ne doit pas être pensée indépendamment de la misère symbolique, non seulement parce que la pauvreté matérielle des uns semble la conséquence du sous-développement symbolique des autres, mais aussi parce que la misère symbolique est ce qui transforme un pauvre en misérable. De la pauvreté à la misère, il y a un pas qui ne concerne pas seulement le niveau de richesse.

La misère symbolique est la perte d’individuation qui résulte de la perte de participation à la production de symboles, fruits de la vie intellective et de la vie sensible. La misère symbolique s’accroît depuis le tournant machinique de la sensibilité (la culture comme production industrielle), accompagnant le tournant machinique de la politique (la représentation politique comme production industrielle).

C’est en luttant contre la misère symbolique qu’on lutte contre le Front National, et non l’inverse. Lutter contre cette misère suppose de lutter contre le populisme industriel, et non seulement de déclamer le répertoire de ceux que Hegel nommait « les belles âmes ».

Mnémotechnique

id : 20211124001044
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type : Vocabulaire

Littéralement le terme hypomnémata désigne les aides-mémoire, les supports technique de la mémoire et/ou les techniques de mémoire.

Relier la technique et le temps demande en premier lieu de repenser la question de la mémoire. Toute technique, en tant qu’elle est aussi un geste (Leroi-Gourhan), comporte une dimension mnésique : lorsque je manie une pelle, je participe de la couche mnésique qui fait des choses, les choses d’un monde. Depuis quatre millions d'années, le développement de l'esprit humain a pour condition une extériorisation de la mémoire, c'est-à-dire la fabrication d'objets qui gardent en eux-mêmes les gestes dont ils résultent. C’est seulement au néolithique qu’apparaît un sous-système mnémotechnique, l'écriture, qui est une technique spécifiquement_vouée_ à laconservation de la mémoire. Depuis le XIXe siècle, les mnémotechnologies (photographie et phonographie, cinéma) sont apparues, qui sont devenues au XXe siècle (avec la radio et la télévision) des supports essentiels de la vie industrielle. Mais à partir du XXIe siècle, avec les mnémotechnologies numériques, les hypomnémata sont devenus la fonction primordiale des sociétés hyperindustrielles.

Michel Foucault a montré que ces supports de mémoire que sont les hypomnemata sont la condition de l’écriture de soi qu’il analyse notamment à travers le discours de Sénèque sur l’écriture et la lecture, et constituent plus généralement les éléments des techniques de soi et de la tekhnè tou biou de l’Antiquité. Sans hypomnemata, l’attention profonde que les techniques de soi tentent de conquérir se disperserait dans la vanité d’un temps inconsistant :

L’écriture des hypomnemata s’oppose à cet éparpillement en fixant des éléments acquis et en constituant en quelque sorte “du passé’’, vers lequel il est toujours possible de faire retour et retraite[1].

Monde des échanges et de la décision

id : 20211124103357
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type : Sphère

[[20211124001010]] [[20211124001013]] [[20211124001014]] [[20211124001016]] [[20211124001016]] [[20211124001021]] [[20211124100935]] [[20211124001020]] [[20211124102210]] [[20211124102836]] [[20211124103229]] [[20211124103623]] [[20211124104946]] [[20211124114700]] [[20211124121340]] [[20211124122043]] [[20211124122548]] [[20211124001049]] [[20211124001051]] [[20211124001053]] [[20211124001057]] [[20211124001064]]

Organologie

id : 20211124114422
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type : Vocabulaire

Ce terme est dérivé du grec « organon » : outil, appareil. L’« organologie générale » est une méthode d’analyse conjointe de l’histoire et du devenir des organes physiologiques, des organes artificiels et des organisations sociales. Elle décrit une relation transductive entre trois types d’ « organes » : physiologiques, techniques et sociaux. La relation est transductive dans la mesure où la variation d’un terme d’un type engage toujours la variation des termes des deux autres types. Un organe physiologique – y compris le cerveau – n’évolue pas indépendamment des organes techniques et sociaux. L’appareil psychique n’est pas réductible au cerveau, et suppose des organes techniques, des artefacts supports de symbolisation et dont la langue est un cas.

La transformation organologique constante connaît de nos jours un bouleversement inédit que nous appelons – en référence à un concept de Bertrand Gille [1] – l’hyper-désajustement. Celui-ci résulte non seulement de l’accélération de l’évolution technologique, mais du modèle néolibéral qui, depuis la « révolution conservatrice », consiste à remplacer les organisations et institutions sociales par des services eux-mêmes technologiques, et totalement soumis à un système économique devenu exclusivement spéculatif. Il y a hyper-désajustement lorsque les organa artificiels formant le système technique court-circuitent à la fois le niveau des organes et appareils psychosomatiques (organes génitaux et cérébraux compris) et le niveau des organismes sociaux. C’est ce qui conduit à ce que nous appelons une prolétarisation généralisée.

Otium Negotium

id : 20211124122548
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type : Vocabulaire

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la société est constituée par une opposition entre la sphère des besoins, celle des esclaves, artisans, roturiers et la sphère de l’otium, celle des clercs, ou de toutes personnes dégagées des obligations de la vie quotidienne vouées à la satisfaction des besoins par la production des subsistances. Le « negotium » est le nom que les romains donnaient à la sphère de la production, elle-même soumise au calcul. Ce n’est pas seulement le commerce des marchandises au sens du plan comptable, c’est le commerce au sens large des affaires, le business, l’affairement, c’est aussi le lieu des usages. A l’inverse, l’otium est le temps du loisir libre de tout negotium, de toute activité liée à la subsistance : il est en cela le temps de l’existence.

Si otium et negotium, comme existence et subsistance, composent toujours, ils doivent absolument demeurer distincts, Les distinguer ne signifie pas les opposer systématiquement, car en ces cas nous retomberions dans une démarche fondamentalement métaphysique. Max Weber a montré combien, avec l’éthique protestante du capitalisme, le negotium devient une activité qui relève de l’otium, et dans laquelle il s’inscrit.

Otium et negotium ont ceci en commun que ces deux activités se déploient avec des supports de mémoire (hypomnemata). Dans le negotium on trace les échanges, on quantifie et on calcule le commerce humain. Dans l’otium, les hypomnemata sont mis en œuvre essentiellement dans la visée des objets de la contemplation, skholè, qui forment les idéalités en général (les objets de l’idéalisation – au sens de Freud –, c’est à dire aussi de la sublimation) et constituent ce que nous appelons des consistances : ce qui, n’existant pas, consiste d’autant plus (la justice, l’infinité de l’objet de mon désir, le point géométrique, etc.)

Dans l’otium il y a une discipline comprise comme technique de soi donnant accès à ce qui n’a pas de prix : c’est celle du sportif qui s’entraîne régulièrement, celle du moine qui respecte la liturgie, celle de celui qui écrit quotidiennement ses pensées.Ce que Foucault nomme « l’écriture de soi » relève typiquement de l’otium. Si l’otium est une pratique solitaire, elle est toujours socialement destinée et constituée.

Les pratiques de l’otium tendent aujourd’hui à être intégralement court-circuitées par les industries de services et soumises aux contraintes du marché : elles se voient diluées et finalement confondues avec le négotium – par exemple comme savoirs académiques totalement soumis aux contraintes économiques.

Panser 1

id : 20211125162325
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type : Livre

CHAPITRE PREMIER. « L'implosion barbare n'est nullement exclue », À propos du mal-être de Félix Guattari

  1. Crainte, peur, courage et parrêsia

  2. Déjà, pas encore - le passage

  3. Never more. La « post-vérité » dans l'Anthropocène

  4. Pharmacologie du mal et néguanthropologie. L'übermensch comme pansement

  5. Nihilisme passif et actif dans « l'implosion barbare ». Remonter la pente par l'art de vivre

  6. Histoire de la vérité, généalogie de la morale et écologie

  7. Gewissen und Gefahr -l'interminable de 1927 à 1962

  8. Vouloir et ressentiment

  9. Pharmacologie du vouloir créateur

  10. Économie politique de l'intermittence. Panser l'immense régression, son prix - la post-truth era - et son pendant : l'exaltation

  11. La combinaison. Métaphysique de l'effroi

  12. Nous qui ne dormons pas. Pharmacologie des transductions régressives et progressives

  13. Le nihilisme fonctionnel comme capitalisme cognitif et rationalisation du déni

  14. Panser Heidegger avec Nietzsche et Wiener. La cybernétique comme nouveau problème de la philia

  15. Panser l'histoire de la philosophie du point de vue exosomatique

  16. la confusion des problèmes et des questions, les inversions de causalités et la quasi-causalité (comme capability) des exorganismes simples dans les exorganismes complexes

  17. Considérer l'animal suicidaire à partir de trois thèses d'Arnold Toynbee

CHAPITRE DEUX. Panser l'effroyable

  1. Dualité de l'avoir-lieu

  2. Néguanthropologie de l'infernal

  3. D'Oussama Ben Laden à Donald Trump : l'impansable et les débuts de l'immense régression

  4. Relief noétiques et aplatissement de l'immanence

  5. Fonctions récursives et charges explosives

  6. Surmonter l'effroi. La réalisation du réel

24 . Une différance entre l'avenir et le devenir

  1. Évolution exosomatique et évolution des critériologies de sélection

  2. Éliminations et extrémisations des risques

  3. Immanence, transcendance, relief, néant : aux sources de la nouvelle barbarie

CHAPITRE TROIS. La nouvelle question du mal

  1. JAMAIS - vérité et entropie À JAMAIS

  2. L'être, le mal et l'extrémisme dans l'épreuve de l'extrême mauvaise humeur appelée post-vérité

  3. Rétentions, protentions et exosomatisation : de la différance vitale à la différance noétique

Les exorganismes et leurs transformations - de la protohistoire à la « fin de l'histoire » qu'est l'Entropocène

  1. Époques, localités et instruments des savoirs et des non-savoirs

  2. L'épistémè du capital comme totalisation, l'extrême mal-être face au « danger absolu » et à la « monstruosité », et la nouvelle question du mal

  3. Téléologie négative de la prolétarisation totale. Grammatologie et pharmacologie

  4. Noèse et accélération. Panser envers et contre tout.

  5. Panser le pharmakos. L'élu du mal-être n'est pas l'Antéchrist

CHAPITRE QUATRE. La technosphère comme non-savoir absolu des exorganismes planétaires

  1. Intermittences négatives et opérations quasi causales

  2. Le pouvoir de synchroniser. Échelle planétaire et paralysie noétique dans le smart capitalism

  3. L'effondrement européen

  4. Que veut dire «faire» au XXe siècle ? Que faire de l'effondrement européen ?

  5. Épistémogenèse du non-savoir absolu

  6. Smart capitalism totalisant et régression autoritaire

  7. Généalogie de la dénoétisation dans l'ubris industrielle

  8. L'avènement des exorganismes planétaires

  9. Scalabilité, exosomatisation et monopoles fonctionnels

  10. Panser l'exorganisme technosphérique

CHAPITRE CINQ. Orthogenèse et sélection. La généalogie

  1. exosomatique de la morale

  2. Orthogenèse, noèse et pharmacologie justice, ajustement, sélection

  3. Sélection, orthogenèse et impasses fonctionnelles

  4. La guerre civile économique dans l'exosomatisation de plus en plus bête

  5. Panser la bêtise au XXe siècle

  6. L'accélération industrielle des flux et l'épreuve du chaos

  7. L'ombre de la volonté de puissance dans l'éternel retour : toujours

  8. Avoir lieux dans l'éternel retour

  9. Nietzsche et la mauvaise nouvelle de l'entropie

  10. « Courage, encore une fois! » -Apprentissage et entendement

  11. Pharmacologie de la répétition

  12. Nietzsche et la vie. Nuire à la bêtise est d'abord combattre la lâcheté

CHAPITRE SIX. Qualités sans hommes, hommes sans qualités

  1. Le pivot de la transvaluation: Nietzsche avec Lotka

  2. Le nouveau commerce

  3. Musil le sens du possible et l'Histoire potentielle

  4. La Cacanie comme puissance des moyennes

  5. L'histoire de l'homme moyen et l'insuffisance de la raison

  6. Modestie et courage dans le possible musilien

  7. Que faire au hasard ?

  8. Partir de la moyenne pour tirer parti de l'impondérable

  9. Cinq questions quant à l'impondérable

  10. Rétrospections : l'épimétheia de l'homme sans qualités

CHAPITRE SEPT. La post-vérité du non-savoir absolu

  1. Métabolismes exorganiques, information et post-vérité

  2. Sauter. Au-delà de la métaphysique de la médiocrité désintégrant la faculté de connaître

  3. Post-vérité et apocalypse

  4. Les facteurs de la vérité face à l'efficacité de la post-vérité comme désorientation, et la perche du saut

  5. Faire droit dans le délire post-véridique avec Lotka

  6. L'épreuve ordalique de l'efficacité

  7. Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle, fausses nouvelles. L'éternel retour du ÔELv6v

  8. L'âge post-véridique comme déchéance des « élites », la« révolution conservatrice» et les mensonges d'État

  9. Le capitalisme comme épistémè, l'eschatologie du non-savoir absolu et le retour de lubris comme telle

  10. La dévaluation de toutes les valeurs comme grégarisation des exorganismes complexes inférieurs et supérieurs

7 9 . Justice, vérité, prophétie. Le rêve de Jacob

CHAPITRE HUIT. Désespoir et improbable. La quatrième dimension de l'exosomatisation

  1. La constitution des exorganismes complexes supérieurs comme souci primordial de la philosophie

  2. Exorganismes complexes supérieurs et processus de transindividuation de référence

  3. La philosophie moderne du droit comme législation de l'immanence et le défaut contemporain d'exorganisme complexe supérieur (et donc de processus d'individuation de référence)

  4. Du tournant de la Renaissance à la nouvelle puissance de la Chine.

  5. Genèse immanente de l'individualisme occidental

  6. La quatrième dimension de l'exosomatisation et l'expérience contemporaine du désespoir

Panser 2

id : 20211125162505
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type : Livre

INTRODUCTION. La parrêsia de Greta Thunberg [13.

  1. La parole de Greta Thunberg, 14

  2. L'inversion des rapports intergénérationnels et la défense du droit d'être inhumé, 16

  3. Humeurs et Homo, 19

  4. Kléos, honneur et déshonneur dans l'ère Anthropocène, 22

  5. Le serpent comme symbole du pharmakon, puis du mal - ou le passage de la honte tragique à la culpabilité originelle, 27

  6. Apocalypse et immanence, 30

  7. Transgression, parrêsia, raison : l'exigence de responsabilité, 33

  8. Trop brève généalogie de l'irresponsabilité, 37

  9. Les exorganismes complexes automatiques et leurs dangers, 41

  10. Panser la honte - et « la gravité de la Terre », 43

  11. Appels au secours, 48

CHAPITRE UN. Machines apocalyptiques et avenir de la biosphère [53.

  1. En 1962- du 16 octobre au 28 octobre, 53

  2. Craintes et illusions exo-transcendantales au XXIe siècle, 56

  3. Bugs et folie, 58

  4. L'épreuve de l'indéterminé, 61

  5. Le caractère profane et immanent de la possibilité apocalyptique issue de la physique nucléaire, 64

  6. Le caractère immanent de la possibilité apocalyptique anthropique,65

  7. La question des échelles dans l'ère Anthropocène, 68

  8. Ce que Jean-Baptiste Malet appelle l'« effondrisme », 70

  9. Causes et renoncements, 74

  10. Collapsologie, générations et maturité, 77

  11. Peurs, craintes et amalgames, 81

  12. La dignité du présent, 84

  13. L'effondrement intérieur, 86

  14. Fictions, 89

  15. Modernité, localité, boucs émissaires,91

  16. Rétroactivités et proactivités de la science dans l'ère Anthropocène, 94

  17. Racines du sentiment d'abandon, 96

  18. L'obscurantisme de l'héritage des Lumières et le « plus-que- modernisme », 100

  19. Pseudo-sciences, faux problèmes et bonne cause, 103

CHAPITRE DEUX. Accélérations et immanences

  1. Quand l'accélération commence-t-elle ?

  2. Anthropie, échelles et exo-décentrements

  3. Engrais, transition et effondrements intérieurs

  4. Appels au secours et gilets de détresse dans l'anomie « fonctionnelle »

  5. Déplorations

  6. Survivalistes, collapsologues et scientificité dans le champ de l'hypermatière

  7. Du genre apocalyptique adopté de toujours en histoire et du XXf siècle comme grand revirement

  8. Apocalypses, prophéties et performativités

  9. Prophètes, apocalypticiens et fin du « capitalisme comme religion »

  10. Apocalypse, messianisme et pharmacologie

CHAPITRE TROIS. Deuil, travail, entropie

  1. L'épreuve post-véridique de l'apocalypse immanente et anthropique

  2. Collapsologie, transition et industrie

  3. Raison, intuition et désespoir

  4. La production industrielle du désespoir comme commerce

de l'épouvante

  1. Quelques expressions de la désespérance commune comme nouvelle banalité du mal-être

  2. Conjectures quant au « point de bascule »

  3. Ce que signifie le verbe faire : faire, c'est exo-somatiser

  4. Lectures, postures, deuils

  5. Faire son deuil

  6. Savoirs, travaux, pansements et aliénations dans l'excroissance - à propos de Joanna Macy

  7. Retour sur la question : « Qu'est-ce que le travail ? »

  8. Que veulent dire les mots dépolitiser et (donc) politiser dans l'ère Anthropocène ?

  9. Qu'appelle-t-on politique au XXIe siècle ?

  10. Citoyenneté et exosomatisation

  11. Le déclin progressif de la citoyenneté dans l'ère Anthropocène et la dévalorisation résultante des savoirs de toute sorte

  12. Le grand blocage des années 1940

  13. Repanser l'investissement

  14. Quel est le meilleur mo)'en pour lutter contre l'augmentation accélérée des taux d'entropie? Réponse : « Bétonner l'Ama zonie »

CHAPITRE QUATRE. L'âge du Capitalocène comme accélération de l'exosomatisation

  1. Le pouvoir de l'irrationnel. Petite généalogie du trumpo- bolsonarisme

  2. Échelles et passages

  3. Prendre soin des échelles. Sur les épaules des géants

  4. Incurie politique (la « dépolitisation ») et incurie noétique. Le seul jusqu'au-boutisme qui vaille

  5. Le concept de Capitalocène, le rôle de la philosophie et l'interprétation de Marx qui soutient les analyses de Jason Moore

  6. Web of life et double redoublement épokhal

  7. Oser l'exosomatisation. Capitalisme et urbanité

  8. Dualismes, prolétarisations et origines du capitalisme

  9. Échelles et périodes d'un point de vue rétrospectivement immanent

  10. Des conséquences aux causes et des causes aux relations sociales : qu'est-ce que la causalité ?

  11. Prolétarisation, calcul et risque

  12. Capitalisme, science et irrationalité

  13. Relire le Manifeste du Parti communiste en 2019 (1). Jamais auparavant

  14. Relire le Manifeste du Parti communiste en 2019 (2). Racines et rhizomes de l'expansion internationale et de l'accélération structurelle

  15. Relire le Manifeste du Parti communiste en 2019 (3). Technologie, prolétariat et effondrement : ce qui ne sera pas arrivé

  16. Prolétarisation, déprolétarisation - autre rien, autre deuil

  17. Capitalismes, limites et échelles du vivant dans l'histoire

  18. Capitalismes, limites et immanence

CHAPITRE CINQ. L'arrêt de travail noétique et la porte de chez soi [77.

  1. L'éthique et la science en arrêt de travail noétique face à la question titanesque de l'échelle des localité s

  2. L'antinomie de la noèse provoque une autre frayeur

  3. Pansement de l'antinomie de la noodiversité, difficulté politique que cela crée en France avec le localisme du Rassemblement national, et ouverture comme condition de toute supériorité

  4. Individuation et adoption continues et triphasée

  5. L'hospitalité comme adoption et la destruction fonctionnelle des localités

  6. Localisme fermé et bouc émissaires

  7. La leçon

  8. Porter la question de la localité à son meilleur niveau dëlaboration théorique pour combattre le « localisme » régressif

  9. Chez Derrida, en 1993. Localités et technologie

  10. Localités, idiomaticités, singularités et réactions

  11. Là. Combinaisons de l'hospitalité et de l'hostilité

  12. Intrusion, désir et exappropriation. Le chez-soi dans les réseaux

  13. Dislocation, accélération et invention

  14. Négociations

CHAPITRE SIX. La leçon

  1. Apocalypse et exo-transcendance

  2. L'annonce scientifique d'une possible apocalypse anthropique et la nouvelle question de la vérité

  3. À propos du préfixe exo. Localité exosomatique et Anthropocène

  4. Dialectiques trop-tardives

  5. La parrêsia de Greta Thunberg, la possibilité d'une science de l'apocalypse dans le NSA et la question de la NSA

  6. Science et finalité. Individuation du monde ou désindividuation immonde ?

  7. Soumissions mais. .. tôt ou tard -- dans le redoublement épokhal

  8. Un peut-être peut-être absolument nouveau - connaître le gris de l'anthropie

  9. La science (se) panse-t-elle?

  10. Panser la science

  11. Touts, parties, finalités, échelons

  12. La place de la science

  13. De la mortalité des civilisations à la possible « sixième extinction de masse »

  14. Panser à partir de la pathologie dont Trofim qssenko aura été la figure parfaitement « contre- exemplaire »

  15. L'histoire interminable du lyssenkisme à l'époque du cognitivisme computationnel du transhumanisme et de la dénoétisation généralisée - plus couramment appelée « post-vérité  »

  16. Finalités, libidos et soumissions. Qu'est-ce que la raison ?

  17. Cause finale, « mécanicisme » et déséconomie [350.

  18. Esquisse d'une histoire parallèle des sciences et des exorganismes complexes supérieurs [353.

  19. La science moderne pense (en général) [355.

  20. L'endosomatisation secondaire et les responsabilités sans précédent de la science et de la philosophie 357

CHAPITRE SEPT. « Peut-être »

  1. Le salut de la main à son histoire digitale [364.

  2. La performativité apocalyptique [366.

  3. Sciences, calculs, spéculations : six facteurs de dénoétisation [369.

  4. Désespoir, raison et rêves noétiques (réalisables) dans le jamais [372.

  5. La néguanthropologie comme anthropologie négative -- au risque de la misanthropie [376.

  6. L'apocalypse maintenant, la « vitesse quasi infinie » et la vitesse vraiment infinie [ 380.

  7. L'exo-mémorisation [385.

  8. Accélérations, prolétarisations et totalisation [389.

  9. La nouveauté après coup du toujours déjà [392.

  10. La prolétarisation comme dissociation transformant et déformant les savoirs en compétences [395.

  11. Affinité, convergence et consistance [399.

  12. Compétences et performances en contexte génératif [401.

  13. Localité, exosomatisation et cognition [405.

  14. Se retrouver en enfer [408.

  15. Dissociation, politeia et technosphère [411.

  16. Cognitivisme, déconstruction et rétention tertiaire [413.

CHAPITRE HUIT. Nouvelles généalogies conjointes de la morale, de la science et de la ~«~ technique moderne »

  1. Lire Bergson dans l'ère Anthropocène [419.

  2. L'évolution créatrice exosomatique- comment lire Bergson avec Lotka ? [422.

  3. Intelligence fabricatrice, inforgs, économie néo-classique et devenir-infernal au sens strict 425

  4. Lire Les Deux Sources de la morale et de la religion du point de vue exosomatique 428

  5. L'exorganisation et ses échelles 432

  6. Instruments organiques, instruments exorganiques, philia et obligation morale 435

  7. Intelligence fabricatrice, clôture et ouverture. L'invention affective 438

  8. Le défaut d'origine des tendances, les échelles qui en résultent et la constitution du droit 441

  9. Clôtures et ouvertures de l'intelligence fabricatrice (Homo Faber) 445

  10. Fonction fabulatrice et naturation, 449

  11. « Il fout tenter de vivre » 451

  12. L'impiété de la « métaphysique » comme fonction fabulatrice, et ce qui fait la supériorité 456

  13. La philia du péché originel à la cybernétique 461

CHAPITRE NEUF. Apologie de Greta Thunberg

  1. Esprits et matières, 467

  2. Philosophie de la fourmilière, 471

  3. La passion de Greta Thunberg, 474

  4. La parole de Greta Thunberg, 476

  5. Quiétude animale, accidents exosomatiques et fonction fabulatrice, 480

  6. Le mystère dans l'immanence de l'immanence, 483

  7. Inquiétude, découragements, gémissements, pansements, 485

  8. Compensations, plans d'exosomatisation et mysticisme, 490

  9. La chose et son contraire. Du secours et de ses façons de panser, 495

  10. La société ouverte : son ennemi, le calcul totalisant ; les générations d'improbabilités à venir, ses alliés,498

  11. Ouverture, justice et tekhnè, 502

  12. Bergson voyant venir la question de l'ère Anthropocène, 505

  13. La machine à faire des dieux, le ciel et la cosmotechnique, 509

Épilogue de cette leçon de Greta Thunberg 515

  1. À propos des Mystères d'Éleusis, 515

Passer à l'acte

id : 20211125162333
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type : Livre

« Passer à l'acte »

Table des matières

Auteur Bernard Stiegler

Editeur Galilée, 2003

Intimité et secret de ma vie p.9

Philosophie et vocation p.10

Philosophe en acte p.12

Je et Nous dans le processus d'individuation p.13

Le non-savoir de l'individuation et le début de la

philosophie en acte p.17

La question de l'origine et le désir de savoir p.21

Le passage à l'acte comme transgression p.23

La réminiscence p.24

La nécessite de dire la vérité p.27

Philosopher par accident p.28

Comme un poisson volant p.30

Hypomnèse et moralité p.34

L'extra-ordinaire dans l'absence de monde p.37

Ma liberté, les hypomnèses et la nécessité du monde p.40

Fragilité de la liberté p.42

Le silence dans lequel s'élève une voix p.46

Donner lieu l'invention de la localité p.47

L'idiome de ce qui signifie p.52

Signifiance et insignifiance p.55

L'alter dans l'ego p.59

La matière et l'esprit - avant la prison p.64

Vingt-cinq ans plus tard p.66

Fidèle, infidèle p.68

A la loi p.71

Pharmacologie

id : 20211124001047
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type : Vocabulaire

En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire[1].

Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois poison et remède. Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où il faut y faire attention : c’est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c’est une puissance destructrice. Cet à la fois est ce qui caractérise la pharmacologie qui tente d’appréhender par le même geste le danger et ce qui sauve. Toute technique est originairement et irréductiblement ambivalente : l’écriture alphabétique, par exemple, a pu et peut encore être aussi bien un instrument d’émancipation que d’aliénation. Si, pour prendre un autre exemple, le web peut être dit pharmacologique, c’est parce qu’il est à la fois un dispositif technologique associé permettant la participation et un système industriel dépossédant les internautes de leurs données pour les soumettre à un marketing omniprésent et individuellement tracé et ciblé par les technologies du user profiling.

La pharmacologie, entendue en ce sens très élargi, étudie organologiquement les effets suscités par les techniques et telles que leur socialisation suppose des prescriptions, c’est à dire un système de soin partagé, fond commun de l’économie en général, s’il est vrai qu’économiser signifie prendre soin. En particulier, Ars Industrialis appelle de ses vœux une pharmacologie de l’attention à l’époque des technologies de l’esprit.

En principe, un pharmakon doit toujours être envisagé selon les trois sens du mot : comme poison, comme remède et comme bouc-émissaire (exutoire). C’est ainsi que, comme le souligne Gregory Bateson, la démarche curative des Alcooliques Anonymes consiste toujours à mettre d’abord en valeur le rôle nécessairement curatif et donc bénéfique de l’alcool pour l’alcoolique qui n’a pas encore entamé une démarche de désintoxication[2].

Qu’il faille toujours envisager le pharmakon, quel qu’il soit, d’abord du point de vue d’une pharmacologie positive, ne signifie évidemment pas qu’il ne faudrait pas s’autoriser à prohiber tel ou tel pharmakon. Un pharmakon peut avoir des effets toxiques tels que son adoption par les systèmes sociaux sous les conditions des systèmes géographiques et biologiques n’est pas réalisable, et que sa mise en œuvre positive s’avère impossible. C’est précisément la question que pose le nucléaire.

Pharmacologie Du Front National

id : 20211125162411
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type : Livre

PRÉFACE XI

INTRODUCTION 13

  1. La plus grande menace

  2. Fais attention !

Chapitre premier. FRONT NATIONAL ET ULTRALIBERALISME

  1. Tu t'laisses aller. Extrême droite et ultralibéralisme

  2. La défaite idéologique de la « pensée de gauche »

  3. Critique, mécroissance, déception

  4. Idéologie et extrême droite. L'empêchement de penser

  5. Pharmacologie du Front national dans une guerre de trente ans

Chapitre 2. PRENDRE SOIN DES ÉLECTEURS

DU FRONT NATIONAL ET RETROUVER DU CÉDIT

  1. La modernité comme savoir-vivre et sa liquidation néoconservatrice

PRENDRE SOIN DES ÉLECTEURS DU FRONT NATIONAL

  1. Leaders, dealers et misère politique

  2. L'avenir de la politique et la possibilité de la dictature

  3. L'idéologie du marketing

  4. Relation intergénérationnelle et contrat de generation

  5. Prendre soin des électeurs du Front national

Chapitre 3. LA DÉSYMBOLISATION

  1. Milieux symboliques et formes attentionnelles

  2. De l'interlocution à la « communication »

  3. Le temps stérile de la « communication »

  4. Désymbolisation et perte de savoir

Chapitre 4. ÉCONOMIE DE L'EXPRESSIONET ECOLOGIE DE l'ATTENTION

  1. Le martyre de la langue

  2. L'automatisation de la transindividuation par le traitement automatique des langues

21.Économie de l'expression et écologie de l'attention

  1. Lénine, l'écriture et la Chine

Chapitre 5. LE COURT-CIRCUIT DE LA PAROLE

  1. Achever la langue. À propos du génie linguistique

  2. Le gouvernement par la bêtise

  3. Au-delà de la langue -marketing stratégique et idéologie

  4. Transindividuation et automatisation

Chapitre 6. Du PSYCHOPOUVOIR AU NEUROPOUVOIR, noopolitique et écologie de l'esprit Cerveaux noétiques, jardinages littéraires et monocultures numériques

  1. Platon et l'écriture

  2. Organe cérébral et appareil psychique

Chapitre 7. AUTOMATISMES ET DÉCISIONS

  1. La boucle noétique

  2. Circuits imprimés, automates, décisions

  3. « Faire sauter les plombs » et détruire toute forme de décision

Chapitre 8. L'OUBLI DE L'IDÉOLOGIE

  1. Politiques de l'expression et idéologie à l'époque des industries de la transindividuation.

L'instruction du monde.

  1. Idéologie, idéalisme et pharmacologie

  2. À propos de la misère

  3. Poumons, yeux, oreilles

  4. Soin, capacité, industrie

  5. Cybernétique, honte et idéologie

  6. Après 1968. L'oubli de l'idéologie

Chapitre 9. IDÉOLOGIE, ORGANOLOGIE ET PHARMACOLOGIE .

  1. Que veut dire idéologie ?

  2. Idéologie et dispositifs de pouvoir

  3. Désir et matérialisme

  4. Pharmacologie positive et logique stoïcienne

  5. La différence incomparable - désir et idéalité

  6. De la prometheia de l'inconscient à l'épimetheia comme quasi-cause

  7. Nazisme, consumérisme et pulsion

  8. Deleuze et la Révolution conservatrice

  9. Guerres idéologiques et technologies de transindividuation

Chapitre 10. LA BÊTISE D'ÉPIM ÉTHÉE

  1. Bêtise et idéologie

  2. La bêtise comme régression et comme croyance

  3. Inattention, technique et idéologie

  4. Marx et l'impensé de la technique

54 L'État et la Révolution conservatrice

1 Organologie et pharmacologie du désajustement

  1. L'Et at et la Révolution conservatrice

  2. Organologie et pharmacologie de la polis et de l'Etat

Chapitre 11. BÊTISE ET RÉFLEXION

  1. Puissances publiques et rétentions tertiaires

  2. Althusser et les « Appareils idéologiques d'État » ...

  3. Idéologie et attention.

  4. Althusser à la lettre

  5. Grammatisation, idéalisation, générations, domination

Chapitre 12. L'EXPÉRIENCE DE LA BÊTISE

  1. L'idéologie comme désindividuation des savoirs

62 La désindividuation généralisée

  1. Expériences de la bêtise et dénégations

  2. Expérience, courage et découragement

Chapitre 13. DIFFÉRANCE ET QUASI-CAUSALITÉ

  1. Anamnésis et épimétheia

  2. Les expériences de l'hypomnésis industrielle

  3. La force des idées

  4. Que se passe-t-il en quarante-trois ans, et comment un passage devient-il une impasse ?

  5. Pour une critique hypermatérialiste du marxisme.

Chapitre 14. DESTRUCTION DESTRUCTRICE ET ÉCONOMIE DE TRANSITION

  1. La désertion - cependant que désormais tout le monde sait qu'il faut absolument faire émerger une alternative

  2. La transition

  3. Moteurs et explosions. La destruction destructrice et les bases du nouveau modèle industriel

  4. De Marx à Sen et au-delà

  5. Ce qui est révolutionnaire aujourd'hui

Chapitre 15. LA RECAPACITATION

  1. Capables et incapables

  2. Puissance publique, contradictions et prospective

  3. Transition et prospective

  4. La politique de transition comme contrat intergénérationnel

Chapitre 16. RÉÉDUCATION NATIONALE ET PRECIPITATION

  1. La précipitation des ascendants et des descendants

  2. Nevermore. Épimétheia et organologie de l'innovation

  3. Précipitation, refondation et recherche contributive

  4. La nouvelle chose publique

  5. Nativités technologiques et politique des cerveaux

VOCABULAIRE d'ARS INDUSTRIALIS

Adaptation/Adoption

Addiction

Algorithme (Programme)

Amateur

Anamnèse/Hypomnèse (Mémoire)

Attention, Rétention, Protention

Audience/Public

Bêtise/Intelligence

Capitalisme(s)

Consumérisme

Dataware

Démocratie (contributive)

Désir/Pulsion

Ecologie (de l'esprit)

Économie (politique)

Économie de la contribution

Économie libidinale

Epiphylogenèse (les trois mémoires)

Esprit

Exister, Consister Techniques de soi

Financiarisation (court-termisme)

Grammatisation (techniques de reproduction)

Hypermatière

Individuation

Industrie, industries culturelles et technologies de l'esprit

Investissement

Lecture (industrielle)

Marketing

Mécroissance

Milieu (associé/dissocié)

Mineur/Majeur Misère (symbolique)

Mnémotechnique (Hypomnémata)

Organologie

Otium/Negotium

pharmacologie

Pharmakon,

Populisme industriel et télécratie

Prolétarisation

Prothéticité

Psychopouvoir

Psychotechnique/Nootechnique

Richesse et Valeur (nouveau critère)

Skholè

Subsister,

Technologies relationnelles

Technoscience

Territorialisation et industries de territoire

Transindividuation

Pharmakon

id : 20211124001048
dernière édition :
type : Vocabulaire

En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire[1].

Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois poison et remède. Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où il faut y faire attention : c’est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c’est une puissance destructrice. Cet à la fois est ce qui caractérise la pharmacologie qui tente d’appréhender par le même geste le danger et ce qui sauve. Toute technique est originairement et irréductiblement ambivalente : l’écriture alphabétique, par exemple, a pu et peut encore être aussi bien un instrument d’émancipation que d’aliénation. Si, pour prendre un autre exemple, le web peut être dit pharmacologique, c’est parce qu’il est à la fois un dispositif technologique associé permettant la participation et un système industriel dépossédant les internautes de leurs données pour les soumettre à un marketing omniprésent et individuellement tracé et ciblé par les technologies du user profiling.

La pharmacologie, entendue en ce sens très élargi, étudie organologiquement les effets suscités par les techniques et telles que leur socialisation suppose des prescriptions, c’est à dire un système de soin partagé, fond commun de l’économie en général, s’il est vrai qu’économiser signifie prendre soin. En particulier, Ars Industrialis appelle de ses vœux une pharmacologie de l’attention à l’époque des technologies de l’esprit.

En principe, un pharmakon doit toujours être envisagé selon les trois sens du mot : comme poison, comme remède et comme bouc-émissaire (exutoire). C’est ainsi que, comme le souligne Gregory Bateson, la démarche curative des Alcooliques Anonymes consiste toujours à mettre d’abord en valeur le rôle nécessairement curatif et donc bénéfique de l’alcool pour l’alcoolique qui n’a pas encore entamé une démarche de désintoxication[2].

Qu’il faille toujours envisager le pharmakon, quel qu’il soit, d’abord du point de vue d’une pharmacologie positive, ne signifie évidemment pas qu’il ne faudrait pas s’autoriser à prohiber tel ou tel pharmakon. Un pharmakon peut avoir des effets toxiques tels que son adoption par les systèmes sociaux sous les conditions des systèmes géographiques et biologiques n’est pas réalisable, et que sa mise en œuvre positive s’avère impossible. C’est précisément la question que pose le nucléaire.

Philosophie Concept

id : 20211124114951
dernière édition :
type : Sphère

[[20211124001028]] [[20211124001029]] [[20211124001033]] [[20211124001044]] [[20211124114946]] [[20211124114422]] [[20211124114527]] [[20211124114623]] [[20211124114623]] [[20211124114712]] [[20211124001015]] [[20211124001005]] [[20211124001007]] [[20211124114806]] [[20211124114806]]

Monde des idées concepts

Populisme industriel et télécratie

id : 20211124001049
dernière édition :
type : Vocabulaire

Si l’on s’accorde à reconnaître que toutes les sociétés peuvent régresser, et que les sociétés réputées démocratiques régressent sur un mode que l’on a pris l’habitude de dire populiste, concept vague qui a une histoire politique précise mais qui désigne tantôt la pratique systématique de la démagogie, tantôt des formes proches de ce que l’Histoire a connu sous le nom de fascisme, notre époque est, sans l’ombre d’un doute, devenue massivement populiste.

Cependant, nous soutenons que ce populisme est, en sa nature profonde, d’un genre nouveau, en ceci qu’il procède d’une organisation économique bien plus que d’une causalité proprement politique. Lorsque les sociétés consuméristes atteignent leurs limites, la vie devient structurellement pulsionnelle et addictive, c’est à dire fondée sur la frustration, et ne peut que provoquer une régression massive qui induit secondairement un populisme politique.

Ce devenir au cours duquel le pharmakon audiovisuel déploie toute sa toxicité conduit à ce que nous appelons la télécratie[1] – celle-ci organisant le court-circuit de la modalité politique de la transindividuation par les médias de masse audiovisuels. Mais c’est avant tout en généralisant sa fonction de bras séculier du marketing que la télévision impose la télécratie en faisant de la politique elle-même une affaire de marketing – le populisme politique s’en trouvant exacerbé.

La télécratie et plus généralement le règne des médias audiovisuels ont cependant d’autres effets toxiques : selon une équipe de pédiatrie de l’université de Washington, le synaptogenèse infantile est directement altérée par une exposition précoce aux images animées. En France, les enfants passent chaque année plus de temps devant un écran que sur les bancs de l’école, et en Amérique du Nord, les adolescents consacrent dix heures et demi par jour aux médias[2]. Aussi, nul ne peut désormais ignorer qu’entre l’école qui cherche à former l’attention et l’industrie audiovisuelle qui la capte pour la déformer, il y a conflit. Cet état de fait devenu calamiteux devrait être au cœur du débat politique contemporain – d’autant que dès 2004, 56% des téléspectateurs français déclaraient ne pas aimer la télévision qu’ils regardent.

[1]Celle-ci est parfaitement résumée par les propos de Patrick Le Lay, cités en note dans l’article « Marketing ».

[2]Selon le rapport 2011 de la Kaiser family foundation, www…

Pour Une Nouvelle Critique De L'economie Politique

id : 20211125162435
dernière édition :
type : Livre

FAIRE L'AUTRUCHE. Avertissement .9

INTRODUCTION 17

1. L,/économie rétentionnelle 17

2. Le travail de la grammatisation 21

PHARMACOLOGIE DU PROLÉTARIAT 25

3. Du commerce au marché 25

  1. Les philosophes, l'économie et l'idéologie aujourd'hui 28

5. La question du travail 32

  1. 1908-2008 : la baisse tendancielle du taux de profit et la réponse consumériste 37

7 Platon et le prolétariat 43

  1. La prolétarisation comme perte de savoir 53

  2. Prolétarisation et pharmacologie 56

Au TRAVAIL.65

1O. Prolétarisation du système nerveux, bêtise systémique et nouveau commerce 65

  1. Otium et externalités positives : l'intermittence 73

  2. Désolidarisation et externalités négatives 80

  3. La bourgeoisie chassée par la mafia 84

  4. Économie des protentions, révolution permanente et contribution 92

Prendre soin

id : 20211125162449
dernière édition :
type : Livre

Table

Chapitre premier : La destruction de l'appareil psychique

  1. À propos de ce que les enfants méritent

  2. Ce que ~« ~ça » veut dire

  3. La sédimentation du milieu symbolique intergénérationnel, condition de la formation de l'attention

  4. Ce que ça fait rire. Construction et destruction de l'appareil psychique

  5. Comment Jésus devint le fils de Dieu avant même d'être né.

  6. Fruits du désir, psychopouvoir et minoration des masses

Chapitre 2 : La bataille de l'intelligence pour la majorité

  1. Principes généraux de la formation de l'attention qui suppose toujours une technique de captation

  2. Les esprits malins de l'adulte mineur et la pharmacologie de l'esprit

  3. L'attention publique comme attention critique et comme formation historique de la majorité à l'époque des Lumières.

  4. L'organologie de la majorité et le combat de l'intelligence pour et contre elle-même

  5. Psychopouvoir de la bêtise et politique industrielle de l'intelligence

  6. Psychotechnologies de la bêtise et nouvelle formation de la majorité

Chapitre 3 : Mystères et pulsions de l'Aufklarung au psychopouvoir

  1. Psychotechniques et mystagogie des âmes pharmacologiques (l'intelligence dans son ensemble)

  2. L'organisation du nihilisme juvénile - le temps des irresponsables comme accomplissement du nihilisme

  3. Le désenchantement comme perte du sens du mot critique, et les trois

    limites du développement industriel contemporain

  4. La démocratie comme organisation politique des soins et la nouvelle

    responsabilité des pouvoirs publics face à la mécroissance

Chapitre 4 : Synaptogenèse de la destruction de l'attention

  1. Attention deficit disorder et destruction industrielle de la

    conscience

  2. Éducation, psychotechnologies et individuation de référence

  3. Le fantasme de l'identité nationale

  4. Organologie du système éducatif

  5. L'unité des congénères, la reconstruction de l'intelligence

    collective et le nouvel agencement organologique

Chapitre 5 : Thérapeutique et pharmacologie de l'attention

  1. Deep attention, hyper-attention et attention deficit disorder : une mutation générationnelle

  2. Synaptogenèse de la majorité

<!-- -->
  1. L'hyper-sollicitation de l'attention et le déficit attentionnel

  2. La grammatisation du contexte attentionnel

  3. Organologie de l'attention comme flux de conscience et comme

    élément du politique

  4. Le temps des autruches et le ~«~ ministère caché de la culture mondiale »

  5. Thérapeutique et pharmacologie de l'attention

Chapitre 6 : Économie et cognition de l'attention ou la confusion de l'attention avec la rétention

  1. Micro-économie de l'attention

  2. Cognition de l'attention

  3. Pourquoi pas? La grammatisation du sujet - par où le psychopouvoir devient la fonction centrale du biopouvoir.

  4. Trois types de rétentions secondaires psychiques

Chapitre 7 : Qu'est-ce que la philosophie ?

  1. La philosophie comme question de l'enseignement

  2. Connaître et prendre soin

  3. Épistémè et discipline (épimeleai, mélétè)

  4. L'heuristique déceptive et la rhétorique du ne...que...face à l'enjeu pharmacologique.

Chapitre 8 : Biopouvoir, psychopouvoir et grammatisation

  1. De la production à la consommation

  2. L'autre discipline - pouvoir d'écriture et écriture du savoir

  3. De l'État au marché

  4. Épimeleia et pharmakon

  5. Psychopouvoir, grammatisation et chrétienté

Chapitre 9 : Disciplines et pharmacologies du savoir

  1. Disciplines et savoirs

  2. Pharmacologie de l'archive

  3. L'archéologie des conflits

  4. L'individuation à la lettre

Chapitre 10 : L'oikonomia dans l'objet de toutes les attentions

  1. La vie attentionnée de l'être-soigneux

  2. L'oikonomia des dispositifs

  3. Du capitalisme comme devenir empoisonnant des dispositifs

  4. Intervenir et profaner. Soigneux et Je-m'en-foutistes devant l'.« Ingouvernable »

  5. L'idéalisation du souverain

Chapitre 11 : Du vingtième siècle à notre temps - si nous avons le temps

  1. De la population comme potentiel noétique

  2. Noopolitique, industries culturelles et ~«~ jeune génération ~»~

  3. Le soin et la honte d'être un homme ......................................

  4. Les sociétés non-inhumaines, le je-m'en-foutisme et l'être inhumain

  5. Le temps de la responsabilité devant l'infinité des générations

  6. La pharmacologie du développement à la base de la politique industrielle

Prolétarisation

id : 20211124001051
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type : Vocabulaire

La prolétarisation est, d’une manière générale, ce qui consiste à priver un sujet (producteur, consommateur, concepteur) de ses savoirs (savoir-faire, savoir-vivre, savoir concevoir et théoriser).

Rappelons tout d’abord que Marx ne dit pas que le prolétariat est la classe ouvrière : il dit que la classe ouvrière est la première classe à être touchée par la prolétarisation. Les prolétaires n’ont pas disparu : la prolétarisation, c’est à dire la perte des savoirs, a au contraire envahi « toutes les couches de la société »[1]. Privé de savoir, le prolétaire est privé de travail, s’il est vrai que travailler c’est s’individuer en individuant son milieu de travail et en se co-individuant avec des collègues de travail, c’est à dire en formant avec eux un milieu associé. Le prolétaire est l’employé d’un milieu dissocié. Le prolétaire, dit Simondon, est désindividué par la machine qui a grammatisé et automatisé son savoir.

Au cours du XXe siècle cependant, ce qui est prolétarisé n’est plus seulement le savoir-faire du producteur : c’est aussi le savoir-vivre du consommateur. Le consommateur ainsi prolétarisé ne produit pas ses propres modes d’existence : ceux-ci lui sont imposés par le marketing qui a transformé son mode de vie en mode d’emploi.

La crise de 2008 a mis en évidence que ce sont aussi désormais les concepteurs et les décideurs qui sont prolétarisés : l’automatisation issue des « systèmes d’aide à la décision », tels les programmes informatiques de trading qui grammatisent unilatéralement les points de vue économiques et financiers dominants (renforçant souvent des processus entropiques – comme l’avait déjà montré une étude du crack boursier de 1987 réalisée par Catherine Distler[2], et comme le soulignait récemment Paul Jorion[3] – processus entropiques qui constituent la base technologique de ce que l’on avait appelé « la pensée unique »), généralisent la situation qui s’était installée avec les systèmes informatiques nucléaires, où la prise de décision politique et militaire, formalisée dans les appareils de surveillance électronique, est court-circuitée par la performance de l’arsenal informatisé.

Que la grammatisation induise à travers le développement de ses stades successifs une prolétarisation n’est pourtant pas une fatalité : c’est une question pharmacologique, où l’alternative relève de ce que nous appelons une pharmacologie positive[4]. De nos jours, cette question se pose avec une radicalité absolument inédite précisément dans la mesure où la prolétarisation atteint chacun d’entre nous, installant en chacun de nous les effets ravageurs de la « bêtise systémique », atteignant toutes les fonctions sociales, des plus humbles aux plus décisives. C’est pourquoi nous faisons de la déprolétarisation généralisée l’enjeu fondamental de l’économie de la contribution.


[1]

[2]Catherine Distler, « Réseaux globaux et marchés financiers : les leçons du krach de 1987 », Quaderni, 1990, vol. 12, n°12, pp. 37-47.

[3]Paul Jorion,

[4]S’il est vrai que, comme l’a montré Jacques Derrida, la condition de ce que Platon appelle l’anamnèse – qui, en tant qu’activité de « penser par soi-même », est l’individuaiton par excellence – est l’hypomnèse, constituée par les hypomnémata issus du processus de grammatisation, celui-ci rend possible à la fois de nouvelles formes de désindividuation (de prolétarisation) et de nouvelles formes d’individuation (de savoirs). Une nouvelle pratique de l’écriture est la condition pharmacologique de la lutte curative contre ses effets toxiques – et elle est mise en œuvre dans l’Académie de Platon (Cf Léon Robin, Platon, PUF, 192…, P. …). La première tâche politique est de définir de telles thérapeutiques – qui sont des façons de former l’attention, c’est à dire des modèles éducatifs.

Prothéticité

id : 20211124114527
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type : Vocabulaire

La prothéticité désigne le fait que l’homme ne vit que par, avec et selon ses « prothèses » techniques, et en particulier, du point de vue adopté ici, avec et selon ces « béquilles de l’esprit » que sont les artefacts. L’homme, qui est un être néoténique, c’est-à-dire un être qui naît prématurément, essentiellement inachevé, ne se forme ou ne s’éduque qu’à travers ses prothèses techniques.

La prothéticité, au cours du processus d’extériorisation qu’est l’hominisation, nomme l’hétéronomie donnant lieu à l’autonomie – une autonomie toujours sous dépendance et conditionnelle –, et donne à penser l’humain depuis son défaut d’origine, ainsi que sa permanente remise en question par la technicité, elle-même toujours nouvelle en effet. Nous ne sommes que pour autant que nous sommes mis en question sans cesse et depuis toujours par l’intermédiaire de ces prothèses qui, traversant ceux auxquels on donne le nom d’hommes, en constituent aussi bien le défaut que l’excès. Ainsi, pour l’homme, adopter la technique n’est pas s’adapter à un état de fait mais adopter ce qui le met en question. Dire du prothétique qu’il est « pharmaco-logique », c’est poser que la technique qui nous met en question peut aussi nous fermer à la question : le pharmakon est alors ce qui court-circuite l’individuation.

Il semblerait qu’après le long processus d’extériorisation technique qu’a constitué notre histoire[1], nous vivons désormais un processus d’intériorisation prothétique, non pas seulement au sens où les prothèses deviennent internes[2], mais au sens où l’individuation biologique elle-même est prothétisée, et avec elle les processus d’adoption liés à la reproduction du vivant. La prolétarisation affecte ainsi tous les champs de la reproduction – des agriculteurs privés de leur pouvoir de sélectionner leurs semences (tel est le véritable enjeu des OGM) aux mères porteuses louant leur ventre sur le marché de la reproduction humaine industrialisée.

Psychologie Sociologie

id : 20211124000004
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type : Sphère

Individuation psychique et collective

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Psychopouvoir

id : 20211124001053
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type : Vocabulaire

Le psychopouvoir, à présent mondialisé, est une organisation systémique de la captation de l’attention rendue possible par les psychotechnologies qui se sont développés avec la radio (1920), avec la télévision (1950) et avec les technologies numériques (1990), se disséminant sur toute la surface de la planète et aboutissant à une canalisation industrielle et constante de l’attention. L’époque du psychopouvoir est donc une époque de captation industrielle de l’attention.

La question du « psychopouvoir » enchaîne sur celles du « biopouvoir » (Michel Foucault) et des « technologies de contrôle » (Gilles Deleuze). Depuis la seconde moitié du XXe siècle la question n’est plus seulement de contrôler la population comme machine de production (biopouvoir), mais de contrôler et de fabriquer des motivations comme machine de consommation (psychopouvoir). Les «  technologies de contrôle » peuvent nommer cet ensemble formé par la convergence de l’audiovisuel, des télécommunications et de l’informatique. Pour le marketing, il s’agit littéralement de programmer nos désirs, de disposer de nos cerveaux, de les rendre disponibles, d’en disposer. En vue de ce contrôle, le marketing trouve dans les « technologies de l’information et de la communication » mises au service de la production d’objets temporels industriels s’infiltrant dans le flux même des consciences de très puissantes psychotechnologies qui se révèlent fortement « psychotropes ».

Psychotechnique Nootechnique

id : 20211124114623
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type : Vocabulaire

Une « psychotechnique » est littéralement une technique sur ou de l’esprit. Après la psychotechnique du livre, qui est aussi bien celle de la philosophie et de l’Humanisme[1] que des religions du Livre, les psychotechniques telles la radio, la télévision, les ordinateurs et le réseau numérique, produites par une industrie, et non plus par une religion, forment le medium contemporain de l’esprit. Si l’on affirme que le psychique ne se limite pas au cerveau, et que l’appareil psychique humain se distribue, se dissémine et se délègue dans un ensemble de prothèses et d’appareils techniques qu’il peut et doit adopter en retour, on change alors à la fois de définition de l’esprit et de définition de la technique.

Les techniques de l’esprit (nootechnniques), les techniques et pratiques favorisant l’esprit et son individuation, doivent se distinguer des techniques mises en œuvre aux dépens de et sur oucontre l’esprit (psychotechniques), qui formatent l’esprit dans le but de le contrôler. C’est une opposition normative, assumée comme telle.

La psychè est individuelle, le noos est transindividuel, et les deux termes désignent l’esprit qui n’est ni l’un ni l’autre, mais entre-deux. Une seule et même technique peut avoir des effets différents, opposés même : elle est pharmacologique. Pour dire vite, son effet dépendra de son insertion dans le milieu social. La télévision peut être une nootechnique, mais elle ne l’est que très rarement, car tel n’est pas son but : il est devenu psychotechnologique. De même, le milieu psychotechnique qu’est le livre ne devient un milieu nootechnique que s’il ouvre et constitue l’un par l’autre un public critique et un milieu associé, et réciproquement, la psychotechnique qu’est l’écriture ne devient une nootechnique que si elle s’adresse à un public de lecteurs qui, sachant lire, savent aussi écrire, et savent faire de l’écriture une capacité critique en formant des circuits longs (anamnésiques) de transindividuation, c’est à dire des disciplines toujours elles-mêmes fondées sur des techniques de soi.

C’est cette réciprocité où celui qui lit (destinataire) est en position d’écrire (destinateur) en vue de s’individuer qui distingue fondamentalement la nootechnologie de la psychotechnologie ; c’est elle qui fonde quelque chose comme un bien commun. Un bien commun n’étant pas seulement un bien appartenant à tous, mais un bien qui est réalisée selon la réciprocité artiste-public ou écrivain-lecteur.

Richesse et Valeur (nouveau critère)

id : 20211124001057
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type : Vocabulaire

Depuis 2008, et après divers travaux tels ceux d’Amartya Sen[1], de Dominique Méda[2], de Patrick Viveret[3] et de Jean Gadrey[4], notamment, il est largement admis qu’il nous faut définir de nouveaux indicateurs de richesse, c’est à dire donner un nouveau sens économique à la valeur. Ni la croissance, ni le PIB qui est censé la mesurer, ne tiennent compte des productions qui se passent par-dessus le marché, c’est-à-dire des « externalités » – positives ou négatives.

_Ars Industrialis_tente à sa manière de contribuer à cette réévaluation de la richesse économique dans le cycle élargi de la création de valeur. La création de valeur induite par la contribution, que l’on peut nommer « valeur sociétale »[5], permet de redéfinir un calcul de coût comme un calcul d’investissement (éducation, santé, biens collectifs), puisqu’elle organise une mesure différente du bien-être des personnes en prenant en compte d’autres critères que celui de la valeur ajoutée dans le PIB. En articulant la mesure de l’activité à la mesure du bien-être, il s’agit de dépasser la représentation du seul rapport de la production avec la formation et la distribution des revenus.

Les indicateurs du développement humain et les communities indicators constituent des tentatives encore insuffisantes en vue de dépasser le calcul économique par la valeur ajoutée. Ce que nous nommons l’« économie de la contribution », est une économie politique du travail, qui privilégierait l’appropriation plutôt que la captation, en développant une nouvelle théorie de la valeur, dite contributive, se déclinant autour d’un double enjeu : 1) celui des externalités et des politiques territorialisées, 2) celui de la capabilité des acteurs.


[1]Amartya Sen,

[2]Dominique Meda, Qu’est-ce que la richesse ?, Aubier, 1999

[3]Patrick Viveret, Reconsidérer la richesse, édition de l’Aube, 2003.

[4]Jean Gadray, Florence Jany-Catrice, Les Nouveaux Indicateurs de richesse, La Découverte, Repères, 2007.

[5]La valeur sociétale peut apparaître à travers un compte de création collective, qui fait émerger une nouvelle comptabilité de la richesse créée, et partant, de nouvelles méthodes de mesure et de nouveaux outils de traitement de l’information économique. À l’origine du rapport entre contribution et valeur, on trouve d’autres sources que le travail (économie classique, Marx), la rareté ou l’utilité (économie néoclassique), puisque la création de valeur dans le circuit de la contribution s’opère à partir des effets induits directement ou indirectement par des investissements de participation, dans lesquels les contributeurs publics et privés associent leurs intérêts et articulent leurs plans d’action.

(cf. Philippe Béraud et Franck Cormerais,« Une économie politique de la valeur sociétale ? », Cosmopolitiques, n° 5, Editions de l’Aube, La Tour d’Aigues, 2003 ; **« **Démocratie, Economie et Technologie : rareté sociétale et innovation », in Humbert M. et Caillé A. (éd.), La démocratie au péril de l'économie, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2007).

Skholé

id : 20211124001059
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type : Vocabulaire

Skholè est un terme grec, voisin de l’otium latin, dont dérivent les termes « école », « school », « scholars », etc.

Par un paradoxe qui n’est qu’apparent, skholè signifie loisir. Ce paradoxe n’est qu’apparent en cela que le loisir veut d’abord dire la liberté par rapport à la nécessité de subvenir à ses besoins, c’est à dire à ce que nous nommons la subsistance, et qui, lorsqu’elle n’est pas satisfaite, ferme l’accès aux objets de la skholè, qui sont les obets de la pure contemplation – la skholè étant en cela la condition de constitution de la theoria, celle-ci constituant la forme la plus haute de l’individuation qu’Aristote dit « noétique », c’est à dire intellectuelle et spirituelle. La liberté de la skholè n’est donc pas celle du divertissement ou de la distraction, mais au contraire celle de cette forme spécifique de l’attention qu’est l’étude. Un esprit libre est celui qui acquiert la puissance de ses propres contraintes.

Skholè, pour les Grecs, a aussi le sens général d’une trêve, d’un répit, d’une suspension temporelle et en ce sens d’un repos ; cette suspension prime sur ce qu’elle suspend, à savoir les affairements de la vie quotidienne (a-skholia) ou les occupations serviles qui sont la marque d’une soumission aux besoins de la vie animale. La skholè désigne ainsi la temporalité libre propre des activités qui font, aux yeux des Grecs anciens, la valeur de l’existence proprement humaine. Le temps « skholaïque » ou « scolaire » est « calme », « tranquille » voire « lent » (traductions possibles de l’adjectif skholaios) parce qu’il est le temps de prendre son temps, un temps dans lequel l’action peut se dérouler à loisir et se donner le temps au lieu d’être emportée par lui.

Ainsi, relèvent de la skholè les pratiques du jeu, de la gymnastique, des banquets, du théâtre et des arts, ainsi que, dans une certaine mesure, la participation aux affaires publiques, la politique pour autant qu’elle participe de ce que Hannah Arendt nomme la vita activa [1] – et non de la prise de pouvoir. Ce qui rapproche toutes ces activités entre elles, c’est en effet leur « gratuité » - c’est à dire leur caractère auto-finalisé et libre par rapport aux contraintes de l’utilité qui est toujours particulière et en cela à courte vue – et la liberté qu’à la fois elles supposent et engendrent. C’est pourquoi le mot désigne plus particulièrement l’activité studieuse, puis les lieux et les ouvrages d’étude eux-mêmes : l’étude et la lecture fournissant l’un des meilleurs paradigmes de la skholè, de ce temps librement suspendu dans lequel peut se déployer une activité qui est à elle-même sa propre fin, et dont la pratique littéralement élève et anoblit celui qui s’y consacre.

Redonner à l’école son sens de skholè, c’est refuser l’idée qu’elle ne servirait qu’à nous adapter à l’askholia (au nec-otium) plutôt qu’à nous en émanciper : c’est la comprendre comme apprentissage du temps libre et souverain.

La skholè n’est possible que comme adoption des hypomnémata qui la rendent possible. S’il est vrai que de nos jours, de nouvelles sortes d’hypomnémata sont apparues, analogiques et numériques, la reconstitution d’un skholeion suppose une nouvelle conception de l’éducation et de ses organes, matériaux et pratiques – capables de former un agent politique, le citoyen, qui soit aussi un agent économique déprolétarisé, c’est à dire responsable et soigneux : celui que nous appelons le contributeur.

Subsister, Exister, Consister

id : 20211124001060
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type : Vocabulaire

Par ce triptyque, nous qualifions la vie humaine. Dans chaque société, il semble exister un grand partage des activités humaines selon qu’elles sont soumises aux subsistances ou vouées aux existences, partage qui fait écho à celui entre l’otium (plans d’existence) et le negotium (plans de subsistance). Au couple traditionnel de la subsistance et de l’existence, nous ajoutons un troisième terme, celui de consistance (ce qui tient avec).

  • La subsistance, c’est l’ordre immuable des besoins et de leur satisfaction impérative, c’est l’impératif de la survivance. Lorsque la vie humaine est réduite à la pure nécessité subsister, elle est rabattue sur ses besoins et perd le sentiment d’exister. De tels besoins sont aujourd’hui artificiellement produits par le marketing

  • L’existence – le fait pour l’homme d’ex-sistere : d’être projeté hors de soi, de se constituer au dehors et à venir – est ce qui constitue celui qui existe dans et par la relation qu’il entretient à ses objets non pas en tnat qu’il en a besoin, mais en tant qu’il les désire. Ce désir est celui d’une singularité – et toute existence est singulière.

  • La consistance désigne le processus par lequel l’existence humaine est mue et trans-formée par ses objets, où elle projette ce qui la dépasse, et qui n’existant pas cependant consiste – ainsi de l’objet de son désir, qui est par définition infini cependant que l’infini n’existe pas : n’existe que ce qui est calculable dans l’espace et dans le temps, c’est à dire ce qui est fini. De telles infinités sont les objets de l’idéalisation sous toutes ses formes : objets d’amour (mon amour), objets de justice (la justice à laquelle nul ne peut renoncer au prétexte qu’elle n’existe nulle part), objets de vérité (les idéalités mathématiques).

En tant qu’elle est capable de se projeter sur de tels plans de consistance, l’existence, qui est ce qu’Aristote appelle une âme noétique, est mue par le cours de son individuation psychique telle qu’elle est toujours aussi une individuation collective : la consistance est ce qui projette et cristallise le psychique dans le social. La consistance tend à faire converger toutes les consistances dans une seule visée, et c’est ainsi que s’y produit ce que Simondon appelle le transindividuel, c’est à dire la signification partagée par les individus psychiques se transindividuant dans une individuation collective.

L’être-au-milieu qu’est l’homme a ceci de singulier qu’une existence qui n’aurait pas de supports mnémotechniques ne pourrait pas constituer sa consistance : ce milieu est organologique, c’est à dire aussi pharmacologique – c’est par ses organes épiphylogénétiques et ses hypomnémata que la vie de besoin devient capable d’idéalis

Techniques de soi

id : 20211124103407
dernière édition :
type : Vocabulaire

Ce que Michel Foucault appelait le souci de soi (« epimeleia heautou » ou « cura sui») n’est pas un simple état d’esprit : c’est ce qui se constitue à travers des pratiques. L'histoire des techniques de soi occidentales est structurée par le processus de grammatisation.

Pierre Hadot critique la manière traditionnelle de lire les philosophes grecs pour en dégager des idées ou des doctrines et soutient que la philosophie consiste d’abord en une conversion à une forme de vie, à un art de vivre qui s’appuie sur un travail de soi sur soi à travers un ensemble d’exercices noétiques (intellectuels et spirituels). La philosophie elle-même serait un tel exercice.

Michel Foucault redécouvre le souci de soi en travaillant ce qu’il appelle « l’herméneutique du sujet », soit la relation entre subjectivité et vérité. Foucault étudie les « arts de soi-même », la « pratique de soi », et, explicitement, les « techniques de soi », parmi lesquelles, l’écriture de soi. Les pratiques de soi ont certaines caractéristiques. Elles doivent être répétées, régulières, voire ritualisées. Elles relèvent de l’entraînement, de l’exercice (« askèsis » ou « exercitium »). Elles sont éclairées par le souci de soi en général, et par l’orientation (la doctrine) propre à l’école philosophique (Stoïciens ou Épicuriens, par exemple).

Ainsi, Philon d’Alexandrie a donné deux listes de techniques de soi qui portent la marque du stoïcisme. La première comprend : la recherche, l’examen approfondi, la lecture, l’écoute, l’attention, la maîtrise de soi, l’indifférence aux choses indifférentes ; la deuxième : les lectures, les méditations, la thérapie des passions, les souvenirs de ce qui est bien, la maîtrise de soi, l’accomplissement des devoirs. D’un point de vue pratique, les exercices intellectuels comme l’écoute, la lecture, la mémorisation préparent la méditation qui s’approfondit dans la recherche et l’examen, et débouche sur les techniques de maitrise de soi.

L’attention (« prosochè ») est à la fois une orientation générale des pratiques de soi et une technique particulière. La méditation joue un rôle central dans les techniques de soi. Le mot latin meditatio traduit mélètè qui signifie en grec le soin, le fait de s’occuper attentivement de quelqu’un ou de quelque chose, et qui, initialement, désignait la préparation de l’orateur. La méditation, le plus souvent associée à la mémorisation, est l’exercice spirituel par excellence.

Les techniques de soi constituent une tradition critique de l'attention. Elles permettent aujourd'hui d'interroger le type d'attention caractéristique d'une « majorité qui s'oppose au dressage » c'est-à-dire à la destruction des savoirs et du travail par l’emploi et au formatage par le psychopouvoir. Ars Industrialis pose que les technologies numériques de l'esprit peuvent et doivent être mises au service de techniques de soi. Les industries culturelles, les industries de programmes, les médias, les télécommunications, les technologies culturelles et les technologies cognitives – qui ne sont rien d'autre que les hypomnémata de notre époque – sont ainsi évalués du point de vue du souci de soi, qui n’est pas un penchant égocentré, comme tend à le faire croire l’idéologie contemporaine du « bien-être » (d’autant plus bavarde que le mal-être étend son règne), mais au contraire s’inscrit toujours dans une façon de prendre soin de la jeunesse et des générations. Cette évaluation des technologies de l'esprit, et notamment du numérique, porte centralement sur la relation entre école, techniques de soi et écriture, par exemple à travers la critique de la lecture numérique et des « lectures industrielles », et à travers les réflexions qu’Ars Industrialis partage avec skholè.fr.

Technologie Connaissance

id : 20211124111915
dernière édition :
type : Sphère

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Technologies relationnelles

id : 20211124001062
dernière édition :
type : Vocabulaire

Les technologies relationnelles désignent l'ensemble des technologies qui non seulement mettent en relation, mais également engramment les relations. A ce titre, les technologies relationnelles sont un moment, contemporain, du processus de grammatisation qui consiste à discrétiser les flux temporels, c'est-à-dire à spatialiser le temps. Après la grammatisation de la parole dans l'écriture, puis du geste dans la machine-outil, les technologies relationnelles grammatisent à présent les relations sociales.

Bien que les services de réseaux sociaux (tels Facebook et Twitter, qui sont les plus connus, mais il en existe bien d’autres) soient la manifestation la plus visible des technologies relationnelles, ils n'en sont qu'une partie. Leur milieu technologique est l'internet et le web, qui forment le milieu technologique associé permettant le développement de logiques contributives.

Les technologies relationnelles sont avant tout des technologies industrielles de transindividuation : elles produisent de la transindividuation en grammatisant les relations elles-mêmes, et cette grammatisation sur-détermine la constitution des relations des individus qui s’y co-individuent et se socialisent ainsi.

Généralement, cette grammatisation, à ce stade de développement des réseaux sociaux et des technologies relationnelles numériques, n’est pas encore un objet d’individuation collective thématisé et critiqué, c’est à dire adopté : les technologies relationnelles rendent possibles la constitution d’espaces et de temps relationnels critiques (c’est à dire de circuits de transindividiation critiques), mais en l’état actuel de leur organisation, ce sont au contraire et en très large part des dispositifs acritiques, le gain engendré par la grammatisation des relations elles-mêmes étant exclusivement mis au service des intérêts commerciaux des entreprises qui exploitent ces réseaux, et à l’encontre des intérêts existentiels de ceux qui forment la réalité de ces réseaux – à savoir leurs membres.

Comme tout pharmakon, les technologies relationnelles peuvent tout aussi bien produire des court-circuits dans la transindividuation que des circuits longs. Si le champ de ces technologies est laissé aux seules forces du marché, il en résultera immanquablement un raccourcissement drastique des circuits de transindividuation – induit par la volonté du marché de « monétiser » à très court terme le graphe des relations sociales. C'est la raison pour laquelle une politique d'accompagnement des technologies relationnelles est nécessaire, celle-ci étant l'autre nom de la raison sociale d'Ars Industrialis, « association pour une politique industrielle des technologies de l'esprit ». Il s'agit, via cette politique, de mettre en place une véritable écologie relationnelle – laquelle suppose des politiques de territorialisation des technologies relationnelles, c’est à dire d’agencement de réseaux numériques structurellement constitués par leur amplitude planétaire avec des réseaux locaux et géoréférencés par où les technologies relationnelles réinventent les processus d’individuation collective territorialisés.

Technoscience

id : 20211124114806
dernière édition :
type : Vocabulaire

Sur le plan historique, « technoscience » désigne une époque au cours de laquelle la science devient une fonction de l’économie : la science y est requise par l’industrie. Sur le plan philosophique, elle désigne la non-séparation de la science et de la technique (qui doivent cependant rester distinguées[1]). Il ne s’agit plus, pour la science, de décrire ce qui est, mais de faire advenir ce qui devient : de faire accoucher le monde de sa transformation. Par exemple, la nanoscience est d’emblée une nanotechnologie où connaître, c’est façonner.

Le scientifique, comme l’homme vivant, est l’ambivalence de sa prothèse, il est le défaut qui appelle un supplément. La technoscience signifie ainsi que le milieu de la science – au double sens de l’umwelt (milieu de vie et de connaissance) et du *medium (*intermédiaire) – est technique, et que la technique n’est pas un ensemble de moyens pour agir sur la nature, puisque précisément elle fait milieu. Il n’y a rien à mesurer sans instrument de mesure : c’est l’opération de mesure qui crée qui crée le sens d’objet de la réalité à mesurer. Parler de « milieu technique » c’est déjouer une compréhension naïve de la technique comme instrument au service d’un savoir, et c’est aussi aller à l’encontre de l’idée d’une science émancipée de ses prothèses, de ses hypomnemata – comme cela apparaît aux yeux de Husserl lui-même dans L’Origine de la géométrie.

La science a toujours supposé une technique hypomnésique, et n’a donc jamais été pure de toute technique, contrairement à ce que tend à poser Platon, et après lui tout ce que l’on appelle « la métaphysique ». Dans notre vocabulaire, la science est liée à un stade de la grammatisation – celui de la synthèse littérale du logos. Quant à la technoscience, en tant qu’âge industriel de la science, elle est liée à des avancées de la grammatisation, et elle est en quelque sorte elle-même l’avancée de la grammatisation : l’une des principales activités scientifiques contemporaines consiste précisément à grammatiser – y compris le vivant : le séquençage de l’ADN est par exemple un processus de grammatisaition du vivant. Ceci pose la question du statut de la technique dans la vie elle-même, et d’abord dans la vie de celui que nous appelons l’être non-inhumain.

Territorialisation et industries de territoire

id : 20211124001064
dernière édition :
type : Vocabulaire

Le territoire est une question politique qui excède sa dimension administrative et qui se réduit pas au local par opposition au global : le territoire met en cause cette opposition même. Un milieu qui n’est pas territorialisé est rapidement dissocié. Le territoire ne saurait préexister au vivant qui l’habite et qui, au sens propre, le marque.

La pensée du XXe siècle a largement été dominée par la question de la déterritorialisation – qui n’est pas, comme on l’a cru, l’opposé de la territorialisation (pas plus que la micro-politique ne s’oppose à la macro-politique ou en dénie la nécessité), mais son devenir en extension. Nombre de malentendus ont été engendrés à partir de cette notion dans un contexte qui se caractérisait par ailleurs par la mise en place d’un processus de « mondialisation » ou de « _globalization _» qui était en réalité et avant tout une opération d’imposition des critères de la pensée néolibérale aux économies locales et au prix de la destruction de toute dimension politique et sociale, c’est à dire, pour le dire dans des mots qui nous sont plus spécifiques, par la destruction des systèmes sociaux désajustés du devenir technologique et court-circuités par lui, qui était passé sous le contrôle exclusif d’un management intégralement soumis aux contraintes d’un actionnariat planétaire. Tels furent les résultats de la « révolution conservatrice » qui conduisit pour finir à la calamité de 2008 – de laquelle la planète entière depuis ne parvient pas à sortir.

Les systèmes locaux d’innovation que nous appréhendons comme des cas singulièrement importants d’économies contributives reprennent à nouveaux frais la question de la production d’espace comme convergence de l’espace physique, de l’espace mental et de l’espace social : ils reformulent la complexité des relations du “ là ” et du “ là-bas ”, du proche et du lointain, ils reformulent les « conditions de vie » de la mondialisation, non seulement de ses flux, mais de ses circuits. Il ne faut pas dissocier la production de l’espace de la production des valeurs ; en l’occurrence, face à l’isotopie des flux du néo-capitalisme, l’économie de la contribution renforce l’hétérotopie des lieux. Les systèmes locaux favorisent le développement des industries de territoire.

De fait, la mondialisation des échanges de biens créatifs et culturels s’accompagne d’un haut degré de territorialisation de la production qui en fait des industries de territoires[1]. Celles-ci s’appuient sur la mobilisation d’actifs situés, peu ou pas substituables, peu ou pas transposables ou redéployables sans d’importants coûts de transaction et d’opportunité. Cette concentration spatiale confère aux industries de territoire quatre caractéristiques principales, liées

. à la protection de la propriété intellectuelle,

. à la réduction des risques,

. aux conditions de formation et de captation des externalités

. aux formes de l’intervention publique.

Si la courbe d’apprentissage des industries de territoire demeure un effet de structure global, issu du système industriel mondial et non réductible à ses dérivées locales, les effets d’apprentissage suscités par les dynamiques de proximité n’en constituent pas moins des barrières à l’entrée qui protègent les entreprises installées. L’avantage territorial assure une garantie collective de la propriété intellectuelle. Il tend à se substituer en partie aux droits de propriété classiques pour protéger les bénéfices tirés de l’innovation. De même, l’avantage territorial est à l’origine d’une péréquation qui permet aux industries de territoire de compenser leur exposition aux risques par une progression conjointe des économies d’échelle internes, via les gains de productivité, et des économies d’échelle externes, via les gains de parts de marché. Les dynamiques de proximité favorisent l’endogénéisation de ces externalités. Enfin, l’exploitation des actifs localisés met en relief le rôle déterminant des politiques publiques et l’aptitude de ces dernières à démultiplier les effets externes positifs. L’investissement public territorialisé et les dynamiques de proximité s’articulent dans un processus de création de milieux innovateurs dont témoignent les projets métropolitains.


[1]Sur la problématique complexe des industries de territoire, voir Philippe Béraud, “Les industries de territoire : énergie, réseaux, culture ”, Revue du CERCI, n° 4, Université de Nantes,  décembre 2009.

TOME 3. Le temps du cinéma et la question du mal-être

id : 20211125161717
dernière édition :
type : Livre

Avertissement 589

Introduction 593

Chapitre premier : Le temps du cinéma 601

  1. Le désir d'histoires 601

  2. L'ennui 602

  3. Les deux principes fondamentaux du cinéma 604

  4. La conscience de l'« illusion cinématographique » 605

  5. L'« effet Koulechov » 607

  6. Sélections, critères et enregistrements 610

  7. La révélation phonographique 614

  8. Retour sur Intervista 616

  9. America America 618

  10. La répétition et l'inconscient 620

  11. Les protentions de Four O'Clock 623

  12. L'Éclipse 625

  13. Le temps de l'autre 626

  14. La télévision 628

Chapitre deux : Le cinéma de la conscience 631

  1. Sinistre spirituel 631

  2. De l' image- objet à l'imagination transcendantale 632

  3. Hollywood, capitale du schématisme industriel 633

  4. La commune hantise de Husserl, Horkheimer et Adorno, et l'économie politique de la conscience 634

  5. La « triple synthèse » dans la Critique de la raison pure 637

  6. La confusion de Kant 639

  7. La synthèse de recognition comme unification du flux de conscience reproductible641

  8. Les deux éditions de la conscience de Kant « devant l'ensemble du public qui lit » 642

  9. Le milieu du moi comme matériel de projection 645

  10. Images et schèmes : l'entendement comme pouvoir de synchronisation des sens interne et externe 647

  11. Le milieu de la conscience comme système général des rétentions tertiaires et les gestes de la pensée 652

  12. Paralogismes et inadéquations dans le flux. Résumé du chapitre et question de l'adoption 655

  13. Flash-back : ce qui anime le cinéma husserlien 662

  14. Les béquilles de l'aperception 669

  15. La synchronisation des flux et la constitution du marché des consciences. Du « scepticisme 674

  16. Le paradoxe du nouveau processus protentionnel et la débandade du désir 675

  17. L'avenir de l'esprit 677

Chapitre trois : je et Nous

La politique américaine de l'adoption 681

  1. « Processus d'extériorisation » et géopolitique del'esprit 681

  2. La télévision de Pierre Bourdieu 684

  3. Metropolis. L'adoption comme condition de l'unification du Nous 690

  4. La modernité comme organisation de l'adoption 694

  5. Je et Nous. Apparition de la question du mal-être 697

  6. Exception et déception 702

  7. « I has a dream ». La politique américaine de l'adoption.1912. 708

  8. Mondovision. La communion du 21 juillet 1969 712

  9. Terrifiante fragilité du merveilleux 715

  10. Adoption et invention. Le pays où tout est possible.1866-1776-1915. 719

  11. Calendarité et cardinalité à l'époque du « broadcast ».12 juillet 1998. 726

  12. Archiflux et grilles de programmes728

  13. Le tournant de 1997 : l'époque de l'hyperindustrialisation de la culture. De l'émetteur au serveur 732

Chapitre quatre : Le malaise de nos établissements d'enseignement 739

  1. Le système mnémotechnique mondial 739

  2. La reproduction numérique des territoires et la géo-information 744

  3. Industries de la transmission et systèmes éducatifs 747

a. Consciences et substrats : rappels et développements 747

  1. Industries de la transmission et systèmes éducatifs 757

b. Orientation et rétention 757

  1. Industries de la transmission et systèmes éducatifs 761

C. Désagrégation des savoirs et dénégation des non-savoirs 767

Chapitre cinq : Faire la différence 769

  1. La spatialité de l'être-au- monde et le « passage absolument inaperçu » 769

  2. Le sens« existential » de l'éducation 775

  3. L'inscience. Résumé et réinterprétation de ce qui précède 777

  4. Faire la différence dans le désert 782

  5. La différence comme invention785

  6. Devenir, avenir, indifférence788

  7. Réel et possible entre Kant et Heidegger 790

Ce que Kant vise à travers le principe subjectif de différenciation. Nécessité de croire 793

Chapitre six : Technoscience et reproduction 801

  1. Du réel au possible : le bouleversement technoscientifique 801

  2. S'orienter dans les ténèbres des possibles technoscientifiques 805

  3. La pratique dans la philosophie critique 807

  4. Le criticisme comme négation de l'invention 809

  5. Que voulons-nous ? Actualité du principe subjectif de différenciation 815

  6. Du possible au réel : performativité de la technoscience-fiction818

  7. Le peuple le moins métaphysique 823

  8. L'intégration des dispositifs rétentionnels élargie au vivant 827

  9. Hyperindustrialisation, hyperreproductibilité et performativité généralisée 829

  10. La physique des possibles 835

  11. Les nouvelles conditions patrimoniales de l'adoption 838

  12. Le droit de reproduire 841

Postface

Le nouveau conflit des facultés et des fonctions dans l'Anthropocène

  1. Entropie et anti-entropie 847

  2. Economie, exosomatisation et entropie 849

  3. Les transhumanise comme idéologie 850

  4. Cinq thèses sur les facultés et les fonctions 851

  5. Information et valeur. Rivalité et non-rivalité856

  6. Information et localité 860

  7. Retard et surpréhension. Ce qui dépasse l'entendement 861

  8. Données, fidélité, vérité 862

  9. Coups de poing, sentiment, événement 864

  10. L'attente de l'inattendu, la sérendipité et l'anamnésis 865

  11. Bouleversé. Adopter fidèlement (quasi-causalement) l'infidélité du milieu 866

  12. Microcosmes et macrocosmes dans le cosmos. L'aporie de la localité 868

  13. La valeur pratique 870

  14. L'état d'urgence noétique par-delà le nihilisme actif et comme affect 872

  15. La boucle noétique, ses saveurs et le non-savoir absolu comme capital fixe 874

  16. La pensée comme critique de l'économie politique : apprendre à conter 875

Index 877

Bibliographie 949

Transindividuation

id : 20211124114712
dernière édition :
type : Vocabulaire

Le terme « transindividuation » est dérivé du terme « transindividuel » de Gilbert Simondon. Chez ce dernier le trans-individuel se distinguait déjà des points de vue plus anciens et classiques, issus de la psychologie pour l’un et de la sociologie pour l’autre, de l’inter-individuel – où ce sont les individus qui font le groupe – et de l’intra-social – où c’est le groupe qui fait les individus. Pour Simondon, l’apparition du transindividuel est le fruit d’une individuationnouvelle, l’individuation psycho-sociale (c’est à dire d’emblée psychique et collective), qui rompt avec l’individuation vitale, et où l’individu vivantse prolonge et se dépasse : dans cette nouvelle forme d’individuation indissociablement psychique et sociale, le « collectif réel » n’est ni la simple réunion de psychismes individuels déjà donnés, ni le « social pur » des insectes : c’est un devenir social qui s’individue en « unité collective » parallèlement à la « personnalisation » singulière de chaque sujet psychique.

Chez Bernard Stiegler, le transindividuel est ce qui, à travers la co-individuation diachronisante des je, engendre la trans-individuation synchronisante d’un nous[1]. Ce processus de transindividuation s’opère aux conditions de métastabilisation rendues possibles par ce que Simondon appelle le milieu préindividuel, qui est supposé par tout processus d’individuation et partagé par tous les individus psychiques. Ce milieu préindividuel est cependant, pour nous, intrinsèquement artefactuel, et la technique est ce dont le devenir métastabilise la co-individuation psychique et collective. La technique est ainsi le « troisième brin » de ce que Simondon, lui, pensait seulement comme une individuation « psycho-sociale »[2]. Le terme « transindividuation » désigne cette dynamique métastable psycho-socio-technique par laquelle le transindividuel n’est jamais un résultat donné, mais toujours en même temps une tâche : celle du désir à l’œuvre.

La « transindividuation » n’est pas seulement une co-individuation, car celle-ci n’est pas suffisante pour ouvrir un milieu qui dépasse l’individu tout en le prolongeant. La transindividuation est la trans-formation des je par le nous et du nous par le je, elle est corrélativement la trans-formation du milieu techno-symbolique à l’intérieur duquel seulement les je peuvent se rencontrer comme un nous. Le social en général est produit par transindividuation, c’est-à-dire par la participation à des milieux associés où se forment des significations qui se jouent entre ou à travers les êtres qu’elles constituent[3].

Il n’y a pas de transindividuaton sans techniques ou technologies de transindividuation, qui sont des pharmaka. Lorsque les techniques ou technologies sont mises au service de la prolétarisation et de la désindividuation, elles provoquent des court-circuits dans la transindividuation, elles délient les individus psychiques des circuits longs d’individuation, elles le rabattent sur un plan de subsistance en les coupant des plans de consistance. L’hypomnèse devient alors toxique.

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